Pêche miraculeuse: Laval, le paradis des amateurs de l’alose savoureuse


Anne-Sophie Poiré
Chaque année, de la mi-mai à la mi-juin, la berge en aval de la centrale de la Rivière-des-Prairies, à Laval, devient le théâtre d’une pêche «miraculeuse». L’endroit est un lieu de reproduction de l’alose savoureuse, un genre de hareng à grosses écailles dont les pêcheurs sportifs raffolent. La saison achève, mais des irréductibles continueront de lancer la ligne à l’eau jusqu’à ce que le dernier poisson quitte le Québec pour retrouver la mer.
«C’est bon grillé sur le barbecue ou en soupe, mais il faut faire attention, parce qu’il y a beaucoup d’arêtes», prévient Soeung Moa, un pêcheur rencontré mardi avant-midi sur le bord de la Rivière-des-Prairies.
Tous les matins, depuis quelques semaines, il traverse le pont Papineau-Leblanc, qui relie Montréal à Laval, pour venir attraper son quota d’aloses savoureuses fixé à cinq par jour par le gouvernement du Québec.
«Une de plus et c’est fini», dit Soeung Moa après avoir sorti de l’eau sa quatrième alose de la journée.

La saison a été bonne, mais le poisson commence à montrer des signes de fatigue.
«Il est temps pour lui de retourner dans la mer», affirme le pêcheur, en retirant habilement l’hameçon de la bouche de sa proie pour ensuite l’accrocher à une chaine immergée sur la rive de galets.

L’homme originaire du Cambodge capture l’alose savoureuse dans la Rivière-des-Prairies depuis une quinzaine d’années.
Ça mord à Laval
Chaque printemps, Soeung Moa fait partie des centaines d’adeptes qui se réunissent non loin de la centrale hydroélectrique sur ce qu’on appelle «la berge de l’alose».
Les poissons y arrivent en grand nombre lorsque «les lilas entrent en fleurs et que les pissenlits sont en mousse», racontent les pêcheurs. Ça correspond au moment où la température de l’eau varie de 12 à 17° Celsius.

L’alose est un poisson dit «anadrome»: elle vit en mer, donc, mais doit revenir en eau douce pour se reproduire.
«Elle grandit dans l’Atlantique puis remonte les rivières et le Saint-Laurent vers l’âge de trois ou quatre ans pour se reproduire au pied des barrages, jusqu’aux obstacles infranchissables», explique le biologiste au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), Michel Bélanger.
Ils sont des centaines de milliers d’individus à migrer au même moment. La centrale de la Rivière-des-Prairies offre ainsi une configuration parfaite pour rapidement atteindre son quota.
«Quand ça mord, ça mord», confirme Soeung Moa.

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Une seconde frayère – un lieu où les poissons déposent leurs oeufs – connue dans le Saint-Laurent se situe à Carillon, sur la rivière des Outaouais.
«De nouveaux travaux ont démontré qu’il y avait d’autres frayères», précise M. Bélanger.
L’espèce considérée vulnérable depuis 2003 voit son nombre d’individus repartir à la hausse, alors que d’autres frayères ont été identifiées au Québec. Elle pourrait ainsi éventuellement être retirée de la liste du gouvernement.
Fort engouement pour un gros poisson
Le ministère de l’Environnement et la Ville de Laval constatent chaque année un fort engouement pour la pêche à l’alose savoureuse.
«Il y a toujours eu beaucoup d’adeptes, mais il y en a un peu plus qu’avant», souligne Hugo Langis qui capture le poisson sur la berge de la Rivière-des-Prairies depuis une quinzaine d’années.
La saison 2025, «une bonne» selon les pêcheurs, tire à sa fin. Une dizaine d’entre eux étaient malgré tout dispersés sur la berge de l’alose lors du passage de 24 heures, mardi avant-midi.

«Le niveau de l’eau était légèrement supérieur à la moyenne, mais ça bien mordu quand même. Quand l’eau est plus basse, les poissons sont plus concentrés et c’est plus facile de pêcher», souligne M. Langis.
Apprécié pour sa chair blanche et floconneuse très proche de celle du hareng, le poisson est cependant difficile à manger, parce qu’il est bourré d'arêtes.
Pourquoi, alors, autant de pêcheurs se ruent-ils sur l’alose savoureuse au printemps?
«Il est relativement gros pour le Saint-Laurent, ce qui est intéressant pour la pêche. La longueur moyenne est de 50 centimètres pour un adulte et il peut peser plusieurs kilos», souligne le biologiste Michel Bélanger.
«C’est aussi un poisson sportif qui se débat. Il y a un trill à le pêcher. Les gens l’attrapent pour le plaisir, il y a beaucoup de remises à l’eau», ajoute-t-il.