Inflation: une épicerie où l'on choisit son prix à Montréal
Le commerce montréalais permet d’acquitter juste le prix coûtant des aliments ou davantage

Louis-Philippe Messier
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Imaginez un commerce où le caissier vous propose trois factures: une petite, une moyenne ou une grosse. Laquelle prendrez-vous?
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Voilà le modèle de tarification proposé par Les 3 paniers, une petite épicerie de quartier ouverte depuis janvier qui permet aux plus riches de payer davantage pour dépanner leurs voisins moins nantis.
Il y a un prix «solidaire» proche du zéro profit pour le détaillant.
Il y a un prix «suggéré» qui permet au commerce d’arriver.
Enfin, il y a un prix «au suivant» légèrement gonflé qui contre-balance pour les clients qui se sont prévalus du prix minimal.
- Écoutez Marie-Claude Morin Ouellet, codirectrice générale du Carrefour solidaire en entrevue au micro d' Alexandre Dubé, à QUB radio :

Tout le monde se précipite-t-il sur le plus bas prix? Non!
«Nous comptons sur l’honnêteté des gens: environ le quart prennent le plus petit prix et environ le quart paient le prix au suivant!» se réjouit Marie-Claude Morin Ouellet, codirectrice des 3 paniers.
Malgré l’absence de garde-fous anti-Séraphin, près de la moitié des clients choisit le prix normal qui donne la marge nécessaire au roulement de l’entreprise.

Quartier bigarré
Située sur Sainte-Catherine à l’est du pont Jacques-Cartier, l’épicerie 3 paniers dessert des clientèles socioéconomiques variables.
«Énormément de personnes âgées habitent dans des résidences à proximité, il y a des gens vivant avec de faibles revenus, des jeunes professionnels, des étudiants, des familles, c’est vraiment mélangé», constate Kim Cinq-Mars, coordonnatrice de l’épicerie.

«Ça crée une certaine entraide entre les résidents puisque parfois nous vendons même un peu à perte certains produits de base que d’autres clients acceptent de payer un peu plus cher», explique Mme Cinq-Mars.
«Je paie toujours le prix au suivant, le plus élevé, parce que j’ai la chance de ne pas manquer d’argent», me dit Katrine Bellemare, 48 ans, qui a longtemps géré les activités d’une grosse chaîne de vêtements américaine au Québec.

Admirable
Mme Bellemare vient aussi presque chaque semaine pour des heures de bénévolat à l’épicerie 3 paniers, enregistrée comme un OBNL.
«C’est vraiment un organisme admirable où les gens sont heureux et souriants, et c’est un local beau et ensoleillé», estime la bénévole.
Je m’étonne de la qualité du logo, de la typographie et de l’apparence générale de l’épicerie. On m’explique que l’agence de publicité Sidlee a peaufiné l’image de marque bénévolement.
Les meubles ont été conçus sur mesure par les artisans de Machine Design Multidisciplinaire.
Pas magique
«Nous ne pouvons pas accoter les spéciaux des supermarchés qui vendent à perte pour attirer les clients, mais la facture totale est plus basse», dit Mme Morin Ouellet.

Pendant ma visite, un homme vêtu de haillons entre et demande une boîte de nourriture. «Désolé, nous ne sommes pas une banque alimentaire», répond la caissière.
«Même avec nos prix, nous sommes sujets à l’inflation, et ce n’est pas gratuit», dit Mme Cinq-Mars.
Si louable que soit le concept des 3 paniers, il ne fait pas magiquement disparaître la pauvreté.
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