Paul St-Pierre Plamondon envoie une lettre à François Legault

Paul St-Pierre-Plamonde, chef du Parti Québécois
Monsieur le Premier Ministre,
Nous avons tous les deux des visions différentes quant à l’avenir politique du Québec. Le Parti Québécois, comme vous le savez, souhaite que le Québec prenne pleinement en main son avenir et décide pour lui-même dans la totalité des dossiers qui le concernent. Même si ce n’est plus votre cas, je suis persuadé que vous souhaitez au moins voir le Québec être le plus autonome possible à l’intérieur de la fédération. En tant que premier ministre de notre nation, vous avez une responsabilité importante à cet égard. Vous avez également une obligation de résultat.
À ce chapitre, les dernières semaines, les derniers mois et même les dernières années ont été inquiétants. Malgré vos nombreuses demandes légitimes, les 21 demandes de votre document de novembre 2015, Un nouveau projet pour les nationalistes du Québec, se sont malheureusement toutes soldées par des échecs. Très récemment, nous avons assisté à de tristes épisodes qui entraîneront des conséquences bien réelles sur le quotidien des Québécois et sur notre avenir collectif.
En matière de transferts en santé, nous avions demandé 6 milliards pour assurer la pérennité de notre système de santé, mais nous n’en avons obtenu qu’un seul. Alors que les Québécois envoient presque la moitié de leurs impôts à Ottawa, pour un montant qui dépasse maintenant les 60 milliards, le gouvernement fédéral ne finance que 24% des dépenses en santé. Le Québec est l’une des sociétés les plus vieillissantes au monde et le sommet de la courbe du vieillissement sera atteint aux alentours de l’année 2030. L’incertitude quant à notre capacité financière d’offrir des soins adéquats dans ce contexte est plus grande que jamais.
En matière de langue française, nous avons assisté à un bien triste spectacle au courant des dernières semaines. Après avoir balayé du revers de la main la demande appuyée unanimement par l’Assemblée nationale d’assujettir les entreprises à charte fédérale à la loi 101, le projet de loi de Modernisation de la loi sur les langues officielles est torpillé, malgré une nouvelle mouture qui est pratiquement sans effet réel pour la défense du français au Québec. Malgré le caractère inoffensif de la loi fédérale, l’idée même de protéger le français au Québec provoque l’hystérie au Parlement canadien, allant même jusqu’à provoquer les pires mensonges de la part de certains députés.
- Écoutez l'entrevue avec Paul St-Pierre-Plamondon, chef du parti Québécois à l’émission de Philippe-Vincent Foisy diffusée chaque jour en direct 7 h 45 via QUB radio :
En matière d’immigration, le fiasco du chemin Roxham dure depuis maintenant presque 6 ans. Après toutes ces années, nous sommes rendus à 40 000 passages annuellement. Une institutionnalisation d’un problème crée par le gouvernement fédéral, qui fait gérer les installations à proximité du chemin par des donateurs libéraux. Malgré vos récentes interventions, et les miennes, rien ne nous laisse présager à ce stade-ci que notre demande commune de fermer le chemin Roxham sera entendue par Ottawa. Cela est sans mentionner la question importante des pleins pouvoirs en immigration, pour laquelle vous avez mentionné qu’il en dépendait « de la survie de la nation ». Nous n’avons obtenu que des refus du fédéral, même après l’élection de 90 députés caquistes, dans un des mandats les plus forts de notre histoire récente.
C’est sans mentionner les nombreuses autres demandes qui sont fondamentales pour notre avenir collectif, comme le rapatriement des budgets fédéraux en culture, la prépondérance des lois du Québec en matière environnementale, la déclaration de revenus unique, la demande de ne pas contester les lois démocratiquement adoptées par l’Assemblée nationale, etc.
La semaine dernière, dans la foulée de l’épisode sur les transferts en santé, vous avez reconnu l’existence d’un « déséquilibre fiscal ». Vous constatez également, comme moi, que la position du Québec dans de nombreuses demandes légitimes se retrouve au mieux dans un cul-de-sac, au pire, dans un état de profond mépris. Vous constatez également, comme moi, que c’est l’avenir du fait français en Amérique, pour ne pas dire l’existence même de notre nation, qui est en jeu avec les récentes politiques fédérales en matière d’immigration (l’initiative du siècle). Vous constatez, comme moi, l’incapacité du CRTC et des différentes instances fédérales à défendre adéquatement le contenu et la culture québécoise.
Devant de tels constats, j’en appelle à votre sens du devoir. Je vous demande, à nouveau, d’égaler au minimum le niveau de nationalisme de vos prédécesseurs, dont monsieur Robert Bourassa. Malgré son allégeance fédéraliste, l’ancien premier ministre du Québec n’a pas eu peur de mettre sur pied la Commission Bélanger-Campeau, qui avait comme mandat « d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler, à cet égard, des recommandations ». Parce que vous avez refusé de me répondre lorsque je vous ai posé cette question, je vous redemande à nouveau de mettre en place une Commission spéciale sur l’avenir du Québec, version 2023. Je crois bien humblement que toutes les raisons énoncées ci-haut le justifient amplement. Je crois aussi qu’on ne peut plus se contenter d’être uniquement fâché et de n’avoir aucune réponse face aux nombreux refus et attaques répétées du fédéral envers la démocratie québécoise. Il est temps de se donner, collectivement, un réel rapport de force.
Vous remerciant d’emblée pour la suite que vous donnerez à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma haute considération.
Paul St-Pierre Plamondon
Le chef du Parti Québécois