«Personne n’est à l’abri d’être un peu trou de cul»: Patrick Senécal isole 12 volontaires sur un bateau dans «Civilisés», un thriller psychologique troublant

Après avoir publié le roman noir Flots et le roman fantastique Résonances, l’inimitable Patrick Senécal renoue avec l’humour noir pour son nouveau roman, Civilisés. Il propose à ses lecteurs de plonger au cœur d’une expérience psycho-sociologique inusitée, au cours de laquelle un groupe de personnes trié sur le volet sera confronté à de bons défis. Invités à monter à bord d’un yacht et à naviguer dans les eaux bleues sous le ciel de la Floride, ces gens découvriront qu’ils se sont embarqués de plein gré dans une aventure où ils vont perdre des plumes. Qui s’en sortira et comment? 

Tout commence par une petite annonce qui attire l’attention des internautes.

«Nous recherchons douze individus pour une expérience scientifique passionnante. Celle-ci, supervisée par des psychologues, cherche à étudier et analyser les comportements des humains lorsqu’ils se retrouvent dans un groupe précis et dans un contexte particulier. Les participant(e)s doivent se libérer pendant deux semaines au cours du mois de juin 2023, période durant laquelle ils ou elles ne pourront communiquer en aucun cas avec qui que ce soit à l’extérieur du groupe formé.»

Les 12 «heureux» élus seront confrontés à des situations extraordinaires qui demanderont de l’adaptation au point de vue physique et psychologique.

Patrick Senécal s’en est donné à cœur joie dans l’écriture de ce roman cinglant, qui lui a demandé un an et demi de travail. Un roman qui lui a quand même donné un peu de fil à retordre.

Un départ plus long... mais essentiel

«Ça m’a surpris d’écrire un roman si long et en plus, j’ai coupé 30 000 mots! Et après, j’ai coupé encore!», commente Patrick Senécal en entrevue. «C’est un roman qui est plus lent que les autres. Au début, l’exposition est très longue. Et je n’avais pas le choix...»

«Je pense que mes lecteurs vont être un peu déstabilisés au départ par ce démarrage plus long, mais ils vont comprendre pourquoi quand le roman va se mettre en branle: toute la présentation des personnages, au début, c’est important. L’aspect thriller prend un certain temps avant d’apparaître.»

Préoccupé par l’intolérance

Patrick Senécal avoue être très préoccupé par l’espèce d’intolérance qu’on retrouve sur les médias sociaux. «Je trouve que la gauche et la droite sont de plus en plus campées et communiquent de moins en moins entre eux.»

«Je trouve qu’il y a une certaine gauche, en ce moment, qui a une rhétorique aussi intolérante et aussi agressive que ce qu’on reproche à la droite. Ça m’inquiète un peu. On ne peut plus être dans la nuance: ça, ça me fait ben peur.»

Rire de qui on veut?

L’écrivain à succès constate que la société est de plus en plus intolérante en humour. «On veut de plus en plus qu’il y ait du monde intouchable. J’ai le sentiment que tout le monde se sent offensé par n’importe quoi. Je trouve ça incroyable, à quel point maintenant on est rendus intolérants vis-à-vis de tout ça. On peut toujours rire de ce qu’on veut... mais des fois, les répercussions sont démesurées.»

Il avait le goût d’écrire sur cette thématique. «J’ai voulais montrer que personne n’est parfait, personne n’est à l’abri d’avoir des défauts ou d’être un peu trou de cul ou un peu intolérant ou un peu fermé d’esprit.»

«Tout ce clash, tous ces gens qui se retrouvent ensemble, s’ils passent leur temps à débattre leur point de vue et ne pas se parler, il ne se passe rien.»

Patrick Senécal voulait présenter ce contexte dans un cadre humoristique. Son texte est savoureux. «Les personnages sont assez caricaturaux. Au début, ça m’achalait un peu. Mais après, je me suis dit: Ben non, on est dans une société caricaturale!»

Civilisés

Patrick Senécal

Éditions Alire

643 pages

▶ En librairie le 28 mars.

• Patrick Senécal est un phénomène de l’édition au Québec.
• Il a vendu plus d’un million et demi de livres.
• Sa notoriété dépasse les frontières du Québec: il est publié en France et au Canada anglais et traduit en espagnol, en allemande, en turc, en italien, en polonais et en ukrainien.
• Trois de ses livres ont été portés au grand écran et le roman culte Aliss a été adapté en bande dessinée en 2020 par Jeik Dion.
• Aliss a aussi été adapté au théâtre Les Exclamateurs à Montréal en mars et toutes les représentations ont été jouées à guichets fermés.
• Jeik Dion signe la couverture du roman Civilisés.

«—... dix, onze, douze, treize, compte Bernard de sa voix zézayante. OK, tout le monde est là.

—Ah, je pensais que nous étions douze, fait remarquer Catherine, grande trentenaire aux cheveux courts.

—Vous serez en effet douze participants, mais... Je vous expliquerai tout à l’heure. Alors, je me présente officiellement: Bernard Sean, psychologue, instigateur du projet. Suivez-moi. Il y a des sandwiches et des boissons qui vous attendent pour dîner.

Mi-cinquantaine, petite bedaine, front dégarni, barbe presque totalement blanche, habillé d’un jean et d’un t-shirt de Nine Inch Nails, il dégage beaucoup d’énergie. Il marche vers le stationnement, suivi docilement par sa meute. Ils montent dans un vieux minibus équipé pour recevoir un passager en fauteuil roulant. Tandis qu’ils parcourent les routes sous le soleil éclatant de la Floride, les sandwiches s’avèrent variés et délicieux, et les boissons bien glacées.»

- Patrick Senécal, Civilisés, Éditions Alire

• À lire aussi: Nouveau roman de Patrick Senécal: une IRM qui change la réalité

• À lire aussi: «Flots»: une terrifiante petite fille dans le nouveau roman de Patrick Sénécal

• À lire aussi: «Aliss» de Patrick Senécal et Jeik Dion: sexe, drogue et bande dessinée

• À lire aussi: «Ceux de là-bas» de Patrick Senécal: faire la paix avec la mort