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L'article provient de Salut Bonjour
Santé

Discuter de nos objectifs de soins

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Dre Natalia Vo et Équipe Salut Bonjour

2025-11-09T16:00:00Z
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Sur les réseaux sociaux, on voit parfois poindre des questions sur l’acharnement thérapeutique chez les aînés. Ce sont des questions profondément sensibles et difficiles à aborder, mais incontournables dans la situation de crise actuelle.

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Ces questions m’ont quand même amenée à réfléchir sur la place qu’on laisse aux personnes malades et vieillissantes pour nous parler de leur perspective des soins, de leur vision de ce qu’il reste de leur vie. Et si selon les valeurs de certains d’entre eux, les soins maximaux n’étaient pas les meilleurs soins? Je vous explique.

L’exemple de mon patient

L’an dernier, j’ai pris en charge un charmant patient de 93 ans atteint d’ostéoporose fracturaire. Il habite dans une résidence semi-autonome qu’il adore. Il se berce le jour, rêvant face à sa fenêtre qui donne sur le fleuve. Malheureusement, sa maladie lui engendre des fractures spontanées et la résidence avait l’habitude d’appeler l’ambulance et de le faire hospitaliser. Lors de notre dernière rencontre, sa fille et lui m’ont demandé si c’était vraiment obligatoire d’aller à l’hôpital, si on pouvait le soulager à domicile, que ce soit pour une fracture ou une infection. Et même si les médicaments par la bouche étaient moins efficaces qu’en intraveineuse, il acceptait le risque de peut-être mourir, mais au moins, dans son cocon, le regard posé sur les vagues. (Il est toujours vivant.)

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Pour mon patient, il s’agissait d’un niveau de soins avec une priorité «confort». Il ne désire pas la réanimation cardio-respiratoire ni une intubation en cas de défaillance respiratoire. Ce qui est apaisant, c’est que son désir a été discuté dans une situation non urgente, avec un membre de sa famille. Le fait de connaître les volontés de notre parent rend la discussion beaucoup plus facile dans le cas où on recevrait un appel dans une situation critique, avec une décision rapide à prendre. Le fardeau de la décision ne retombe pas sur les épaules de la famille: on ne fait que transmettre les volontés de notre parent. Et si on revient sur le coût sociétal de cette décision: non seulement on respecte les volontés de ce patient, mais on évite une hospitalisation inutile. Rappelons que le coût d’une hospitalisation est d’environ 5700$ par nuit en chambre et d’environ 15 000$ par nuit aux soins intensifs.

L’efficacité d’un traitement

Parlons de réanimation cardio-vasculaire (RCR). On parle parfois de «massage» cardiaque, mais cela n’a rien d’un massage. Il s’agit de compressions thoraciques vigoureuses dans le but de mimer la fonction de pompe du cœur quand celui-ci s’arrête. Elle peut aussi inclure une intubation et une défibrillation. Est-ce que la RCR est efficace? Cela dépend de plusieurs facteurs (rapidité d’intervention, intrahospitalier vs extrahospitalier, comorbidités du patient) et de ce qu’on considère comme «efficace» (survivre, survivre sans séquelles ou sortir de l’hôpital?). Selon les statistiques, environ 6-19% des personnes ayant subi une RCR survivent et sortent de l’hôpital. Est-ce que des séquelles sont possibles? Oui. Parmi elles, des fractures costales, des atteintes neurologiques (le temps où le cerveau n’a pas reçu d’oxygène), des complications d’un alitement prolongé comme du déconditionnement.

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Les objectifs de soins

Les objectifs de soins sont souvent discutés en milieu hospitalier, en situation aiguë, avec le patient ou avec son mandataire (si inapte). Les médecins utilisent actuellement le formulaire de l’INESSS déclinant quatre niveaux de soins.

A: Prolonger la vie par tous les soins nécessaires

(ex.: RCR, intubation, transfert interhospitalier, soins intensifs)

B: Prolonger la vie par des soins limités

(ex.: RCR ou non, certaines chirurgies ou chimiothérapies pourraient être déclinées)

C: Assurer le confort prioritairement à prolonger la vie

(ex.: favoriser des traitements par la bouche à domicile)

D: Assurer le confort uniquement

Dans les prochaines années, cette classification migrera vers un langage plus accessible: P pour «Prolonger», E pour «Équilibre» et C pour «Confort». Pour en discuter à la maison, j’aime bien proposer cette question très simple: Pour vous, est-ce qu’on est en priorité survie ou en priorité confort? Évidemment, ces décisions sont modifiables et réversibles. Les décisions sont propres à chacun, fondées sur leurs valeurs, leur condition de santé et leur histoire de vie. Une dame âgée pourrait choisir une «priorité survie» jusqu’à la naissance d’un petit-enfant, par exemple.

Volontés et projet de vie

Les patients sont souvent extrêmement reconnaissants qu’on aborde leurs volontés, leur projet de vie. Ils me demandent souvent comment s’assurer du respect de leur décision. On peut le faire de plusieurs façons: avec son médecin ou IPS-PL (infirmière praticienne spécialisée en première ligne), avec son notaire, avec les directives médicales anticipées sur le site de la RAMQ. On peut aussi signer et afficher visiblement chez soi une ordonnance de non-réanimation qui déchargera les premiers répondants de tenter les manœuvres de RCR. Évidemment, il est primordial d’aborder le sujet avec nos proches. Vous verrez, vous porterez un poids de moins sur vos épaules!

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