Pas de survivance sans indépendance


Mathieu Bock-Côté
On fait toujours un peu semblant, la semaine de la Saint-Jean.
Faire semblant? Oui. Nous faisons semblant d’être fiers d’être Québécois. Pour une journée, nous sortons du grenier nos vieux disques, comme nous reprenons plaisir à brandir notre drapeau, le fleurdelysé. Avant de ranger les disques pour une année ensuite.
Pourtant, la Saint-Jean revêt une importance particulière cette année.
Car depuis six mois et les premières élucubrations annexionnistes de Donald Trump, on a cherché à convaincre les Québécois qu’ils sont finalement Canadiens, ou du moins, plus Canadiens qu’ils ne le croient. Tout le système de propagande fédéral et ses relais stipendiés au Québec ont entonné la même chanson.
Histoire
Certains Québécois se laissent manipuler.
À cela, il faut répondre: les Québécois ne sont pas Canadiens. En fait, le jour où nous serons devenus Canadiens, c’est que nous ne serons plus Québécois. On ne peut pas être les deux à la fois.
Je sais bien, nous avons le passeport, mais une gaine juridique ne fait pas une identité. Un peuple est une réalité vivante, enracinée, identitaire.
Le Canada est une structure politique artificielle qui, depuis toujours, cherche à nous dissoudre.
Il mise sur le temps long pour cela, sur l’immigration massive et sur la neutralisation progressive de l’État québécois.
Il veut remplacer le Québec français par le Québec bilingue, qui sera concrètement un Québec anglais, avec des accommodements linguistiques raisonnables pour les francophones en voie d’extinction.
Il n’y aura plus alors de peuple québécois, mais une population québécoise à l’identité lessivée.
Et de ce point de vue, le mandat de Mark Carney revêt une importance historique.
Mark Carney mène la plus importante entreprise de centralisation depuis l’après-guerre.
Pour lui, les provinces doivent devenir au mieux de grosses municipalités à vocation administrative. Le Canada ne doit avoir qu’un seul vrai gouvernement, à Ottawa.
Et nos nationalistes provinciaux «autonomistes» collaborent candidement avec lui.
Devant cela, les Québécois doivent se réveiller. Leur histoire peut être d’un grand secours. Car on y trouve un fil directeur: les Québécois savent survivre.
Dès leur arrivée en Nouvelle-France, ils ont dû s’adapter à un environnement qui n’allait pas de soi, afin d'y construire un pays improbable, dans lequel ils allaient s’enraciner. Ils y sont parvenus.
Carney
Ils ont su survivre ensuite à la Conquête anglaise, qui aurait normalement dû entraîner leur disparition comme peuple. Ils l’ont fait en se cramponnant à leur identité, en sachant qu’un jour viendrait le temps de la reconquête.
Ils ont cru y parvenir avec la Révolution tranquille en 1960, mais ils se sont alors divisés entre eux – c’est le génie des Britanniques de savoir diviser les peuples qu’ils conquièrent, en achetant une partie de leur élite.
Depuis la dernière défaite référendaire, en 1995, nous sommes apathiques. Et pourtant, nous sentons tous que le réveil québécois revient par la question identitaire. Les prochaines années seront décisives.
Car il n’y aura plus de survivance sans indépendance.