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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Pas de polygamie au Québec

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Honorable Daniel W Payette, juge à la retraite

2025-06-13T04:00:00Z
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Dans un jugement récent, la Cour supérieure du Québec conclut qu’il est discriminatoire de priver un enfant et ses parents de leurs droits respectifs découlant de la filiation lorsque le projet parental est porté par plus de deux parents. Certains pourraient se demander si ce jugement n’ouvre pas la porte à la légalisation de la polygamie! Or, ce n’est pas le cas.

Le concept de polygamie concerne le rapport d’adultes entre eux et elles. En droit canadien, il est interdit de contracter un mariage avec plus d’une personne à la fois. Un mariage constitue l’union volontaire de deux personnes dans l’intention de se marier et de créer une communauté économique et sociale.

Filiation

Le jugement critiqué ne porte tout simplement pas sur les rapports entre adultes. Il s’intéresse aux rapports de l’enfant avec les adultes qui ont fait le projet de l’avoir, bref à la filiation. L’établissement d’un lien de filiation confère des droits à l’enfant à l’égard de son ou ses parents, comme d’exiger qu’il pourvoie à ses besoins essentiels. Il confère aussi des droits à son parent, comme de participer aux décisions le concernant.

Le Code civil, tel qu’il existe, limite la filiation à deux personnes. Or, il ne s’agit plus du seul modèle de parentalité. Le jugement décrié établit que cette limite est discriminatoire en ce qu’elle prive les enfants issus d’une famille pluriparentale de leurs droits à l’égard de tous leurs parents et vice-versa par rapport aux familles mono ou biparentales.

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Cette priorisation de l’intérêt de l’enfant n’est pas nouvelle. Plusieurs provinces canadiennes reconnaissent ce type de filiation. Même au Québec, le droit fondé sur la Charte des droits et libertés de la personne du Québec permet d’octroyer la garde d’un enfant au conjoint de son parent, même quand il n’en est pas lui-même le parent légal, lorsqu’il en tient lieu de parent. Cette personne doit alors pourvoir aux besoins de l’enfant. Cela n’équivaut pas à la filiation, mais c’en est une partie significative.

Discrimination

Ainsi, le jugement ne pave pas la voie vers la polygamie. Il constate, à tort ou à raison, une discrimination à l’endroit des enfants et de leurs parents en fonction du modèle de parentalité choisi par ces derniers. En cela, il vise à tenir compte de l’évolution de la société et de l’intérêt des enfants. Il signifie que les enfants ont le droit d’exiger de tous leurs parents qu’ils subviennent à leurs besoins et participent à leur éducation.

Ce changement entraînera sans doute de nouveaux défis en cas de mésentente entre les parents, mais les tribunaux sont habitués à les relever. Et le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant saura les guider.

Photo fournie par DANIEL W. PAYETTE
Photo fournie par DANIEL W. PAYETTE

Honorable Daniel W. Payette

Juge retraité

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