Pas de pause pour les crimes sexuels dans les transports en commun
Une plus faible utilisation de l’autobus et du métro n’a rien changé


Francis Pilon
Même si l’achalandage dans les transports en commun a chuté durant la pandémie, les crimes sexuels y sont restés aussi nombreux, alors que les agresseurs cibleraient toujours les mineures.
«Ça fait près de sept ans qu’on sonne l’alarme auprès de la Société de transport de Montréal (STM). On nous rapporte la plupart du temps des hommes qui font du frottage, d’autres ont les mains baladeuses ou encore des regards insistants. Ça laisse de vraies cicatrices chez les victimes», dénonce Audrey Simard.
Cette dernière lutte depuis des années contre le harcèlement de rue au Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal (CÉAF).

Pas de changement
Mme Simard n’est d’ailleurs pas étonnée d’apprendre que 99 incidents de nature sexuelle ont été commis dans les bus et le métro de Montréal en 2021, selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
En 2020, il y en avait 101. Toujours selon ces données obtenues par Le Journal, on compte en moyenne 106 crimes sexuels chaque année dans les transports en commun depuis 2017. C’est donc dire que la tendance s’est maintenue durant la crise sanitaire.
«Ça me surprend pas de voir que le harcèlement sexuel continue pendant la pandémie, même si l’achalandage dans le métro et les autobus de la STM a diminué. On récolte des témoignages depuis des années avec celles qui vivent ces violences-là et on sait que c’est dans le transport en commun qu’il y en a le plus», note Audrey Simard.

Pointe de l’iceberg
Selon le SPVM, la plupart de ces crimes répertoriés concernent des actions indécentes, agressions sexuelles, agressions sexuelles armées, contacts sexuels et même du voyeurisme.
«Il faut être prudent avec ces chiffres, on sait que ce n’est que la pointe de l’iceberg qui a le courage de porter plainte et de se lancer dans ce processus avec les policiers. J’insiste sur un point aussi : on n’en parle pas, mais ce sont en majorité de jeunes filles mineures qui sont victimes d’hommes majeurs, qui se retrouvent dans ces situations», prévient Mme Simard.
Notons que depuis 2017, au moins 116 crimes sexuels ont eu lieu dans les autobus de Montréal. Dans le métro, durant cette même période, ce nombre s’élève à 431.

La STM réagit
Contactée à ce sujet, la STM soutient qu’elle «condamne fermement toute forme de crime sexuel à l’égard des clients» et qu’elle prend la situation au sérieux.
«Le nouveau statut de constable spécial, mis en place depuis juillet dernier, vient aussi faciliter la prise en charge des situations sur le terrain en leur permettant de procéder à l’arrestation pour des motifs raisonnables d’une personne ayant commis un acte criminel et la remettre au service de police ou encore d’intervenir auprès d’une personne soupçonnée de poser des gestes de harcèlement», mentionne Philippe Déry, porte-parole de la STM.
Toutefois, selon le CÉAF, la répression avec des agents de sécurité ou des «constables spéciaux» n’est pas une solution au problème.
«Il faut éduquer les employés de la STM, les policiers et les témoins à propos des crimes sexuels, c’est comme ça qu’il y aura du changement. Juste d’apporter son aide à la victime et lui dire qu’on est avec elle durant une agression aide déjà beaucoup»,explique Audrey Simard, qui invite les citoyens à ne pas rester indifférents devant un crime sexuel.

Crimes sexuels dans les transports en commun de Montréal, en bref :
- 99 crimes sexuels en 2021
- 101 crimes sexuels en 2020
- 106 crimes sexuels en moyenne par année depuis 2017
- 116 crimes sexuels dans les bus depuis 2017
- 431 crimes sexuels dans le métro depuis 2017
Source : Service de police de la Ville de Montréal
- Écoutez l'entrevue d'Audrey Simard, intervenante communautaire au Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal (CÉAF) au micro de Geneviève Pettersen sur QUB radio: