Pas de deal avec Trump, pas de problème pour Carney?

Guillaume St-Pierre – analyse
OTTAWA | Des tarifs, sans entente: voilà la nouvelle et prévisible menace du président Trump envoyée, hier, à la face de Mark Carney, à moins d’une semaine de l’échéance du 1er août.
C’était prévisible dans la mesure où Trump nous a habitués à ce genre de sparages à l’approche d’une date limite.
«Nous n’avons pas vraiment eu de chance avec le Canada. Je crois que le Canada pourrait être un de ceux où il y a juste un tarif, pas vraiment de négociations», a lancé Donald Trump avant de s’envoler vers l’Écosse.
Selon Trump, les États-Unis seraient prêts à annoncer une foule d’ententes commerciales avec différents pays avant vendredi prochain.
Il y a de fortes chances que le Canada ne fasse pas partie de cette liste.
C’était pourtant la grande promesse de Mark Carney: être en mesure de signer un deal avec les Américains.
Normalement, ce genre de défaite ferait très mal. Mais Mark Carney possède quelques cartes dans son jeu lui permettant de ne pas perdre la face, pour l’instant.

Baisser les attentes
Ottawa a travaillé très fort récemment pour réviser les attentes.
«Les Canadiens s’attendent à ce que nous prenions le temps nécessaire pour obtenir le meilleur accord possible dans l’intérêt des travailleurs canadiens», a souligné plus tôt cette semaine le ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, Dominic LeBlanc.
Une entente si possible, mais pas à tout prix.
Il faut dire que le Canada est dans une position très différente du reste de la planète, avec le Mexique.
C’est que plus de 90% de nos exportations aux États-Unis, selon la Banque Royale, entrent encore et toujours sans tarifs aux États-Unis, grâce à notre traité de libre-échange.
Pour l’instant, ce sont des secteurs spécifiques qui souffrent le plus, comme l’aluminium, l’acier et l’automobile, tous frappés par d’importants droits de douane.
Ça fait mal, mais l’économie canadienne résiste pour l’instant au choc.
Le moral aussi montre des signes de résilience.
Équipe Canada
Six mois après l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, Équipe Canada tient toujours en un seul morceau.
Les premiers ministres des provinces ne tarissaient pas d’éloges à son endroit cette semaine, lors de la rencontre du Conseil de la fédération.
Doug Ford a dit avoir pleinement confiance dans le premier ministre dans les présentes négociations avec les Américains.
Même François Legault s’est défendu d’avoir laissé ses gants de boxe à la maison en regard de «la situation actuelle» avec les États-Unis.
Tous ne s’entendent pas complètement sur la façon de répondre à Trump; certains souhaitent plus de contre-tarifs et d’autres estiment que cela n’est pas nécessaire, mais pour l’essentiel, c’est la bonne entente.
L’opinion publique canadienne est aussi derrière Carney et sa stratégie, pour l’instant.
La colère envers Trump et les États-Unis est réelle et profonde dans la population.
Quant aux partis d’opposition, ils se font discrets en cette période estivale.
Tout cela permet à Mark Carney de gérer les attentes en vue de la date du 1er août.
Le premier ministre regrette peut-être de s’être présenté en sauveur lors de la campagne électorale.
Cela pourrait venir le hanter lorsque la lune de miel sera terminée.