Parodies d'influenceurs et tempête TikTok: derrière le fameux vol au Musée du Louvre
AFP, adapté par Sarah-Maude De Rive
À moins que vous ne viviez sous une roche, vous avez eu vent du vol spectaculaire de bijoux survenu dimanche au Louvre. Évalué à 88 millions d'euros (environ 143 M$ canadiens), le cambriolage a suscité la curiosité et le choc à travers le mode (et TikTok). On plonge dans les coulisses de cette histoire, et des raisons de sa viralité étonnante.
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C'est ce week-end que quatre malfaiteurs brisaient une fenêtre de l'établissement emblématique de Paris, pour repartir avec 9 bijoux de la couronne française, ébranlant le pays et la Toile, qui n'en croyait pas ses yeux:
«En France, ça a été véritablement un choc, un traumatisme, une sorte d’abord de sidération, de consternation. Comment c’est possible de s’attaquer au plus grand musée du monde», s'exclamait Stéphane Bern, l'auteur du livre Les Énigmes de l’histoire: Le Louvre sur les ondes de LCN.
«C’est un traumatisme réel, parce qu’on s’est attaqué à une forteresse qu’on croyait imprenable, celle qui représente le patrimoine», a-t-il affirmé, avant d'ajouter: «vous savez, quand il y a un cambriolage, on pleure non pas la télévision ou l’appareil photo, on pleure les bijoux de sa grand-mère. C’est les bijoux de famille de la France qui ont disparu aujourd’hui au Louvre».
Par sa réaction, Bern touche à plusieurs éléments qui expliquent pourquoi le Web a été pris de fascination quant à ce crime, qui n'aurait, selon la croyance populaire, pas dû être possible. Pourtant, les malfrats s'en sont tirés, si ce n'est que d'un des bijoux de leur butin qu'ils ont échappé et qui a été retrouvé près du musée. On plonge dans les détails de ce pillage devenu viral.
Un plan qui comptait sur une sécurité «insuffisante»
Ce qui surprend d'abord le public quand on en vient à cet événement, c'est qu'une petite équipe ait réussi à monter leur échelle, pénétrer la galerie d'Apollon par une fenêtre et voler l'un des plus grands musées d'histoire du monde. Devant la mission des quatre criminels remplie, les internautes s'interrogent sur tous les fronts:
«Il n'y avait pas d'alarmes?»
«Personne n'a été inquiété par le camion à échelle?»
Ces questions, la directrice du musée qui a rouvert ce mercredi y a quelque peu répondu en admettant que quoique les dispositifs antivol intérieurs aient bel et bien fonctionné, le système de surveillance vidéo de l’extérieur du célèbre musée parisien fût «très insuffisant». Il semblerait en effet que l'enjeu de la sécurité hors des murs du musée est soulevé depuis plusieurs années, un «retard» étant observé quant au renouvellement et à la livraison d'équipement adapté à la défense du Louvre.
Pourtant, lorsqu'on parle des boîtes vitrées protégeant les joyaux, l'admistration du musée «affirme que les vitrines installées en décembre 2019 représentaient un progrès considérable en termes de sécurité tant le degré d'obsolescence des anciens équipements était avéré et aurait mené, sans remplacement, à retirer les œuvres de la vue du public», a écrit sa direction dans un message à l'AFP.
À l'heure actuelle, le président français a demandé une «accélération» des «mesures de sécurité» de l'établissement, dont la patronne Laurence des Cars doit s'expliquer devant des parlementaires au sujet du vol spectaculaire. Il sera peut-être possible donc, à la suite de sa prise de parole, de comprendre comment les bandits ont réussi à installer un monte-charge, entrer par une fenêtre du lieu extrêmement visité, et en ressortir avec une fortune en bijoux royaux.
Des bandits romantisés
Devant la nature de ce vol qui paraît impossible à réaliser, et le peu d'information qu'on dispose sur les personnes qui l'ont commis tandis que l'enquête «progresse», comme l'assure le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, les esprits s'envolent. Ce qui était d'abord un bulletin de nouvelles alarmant est vite devenu une corne d'abondance de trends TikTok découlant de cette situation impensable et de l'incapacité des installations du musée à arrêter les voleurs.
Parmi ces TikToks, on retrouve:
- Des souvenirs de voyage à Paris juxtaposés d'images des bijoux dérobés, pour se mettre dans la peau des bandits;
- Des «hauls» de créateurs comme Marc-Antoine Delage, qui prétendent être les auteurs du crime et nous montrer leurs trésors avec humour;
- Des sketchs de personnes s'imaginant ce à quoi à pu ressembler la planification du cambriolage, ou encore la revente de leurs acquisitions, comme dans les stories de Brendan Mikan;

- Et un tas de mèmes sur les réactions des autorités, des touristes présents et même de la Mona Lisa comme témoin de cet acte qui semble sorti tout droit d'un film.
Un recoin de la plateforme de vidéos abrite même des exemples du «Louvre Heist Aesthetic», nouvelle esthétique tendance créée de toute pièce pour romantiser le vol du Louvre, comme s'il appartenait à une fiction telle Casa de Papel.
@alliebunn_ yes I’m romanticizing this, it’s the most exciting news we’ve got in a WHILE ! #louvre #paris #fyp #targetaudience #viralvideo ♬ Paris - The Chainsmokers
Un butin mirobolant
Voilà une autre raison pour lquelle le Web ne peut s'empêcher de commenter la situation et en faire de fausses vidéos de haul comme mentionnées plus haut: la valeur non négligeable des items volés, qui ne se résument pas qu'à une toile, mais bien à 9 pièces de la collection de joyaux de la royauté française, avant que le total ne tombe à 8 lorsque la couronne de l'impératrice Eugénie a été retrouvée endommagée dans les alentours du site historique.
Manquent donc à l'appel le diadème de l'impératrice Eugénie, composé de 212 perles et 1998 diamants, son nœud de corsage, comportant 2438 diamants, une broche-pendentif, ainsi qu'un collier orné de 32 émeraudes et 1138 diamants et de ses boucles d'oreilles assorties, le tout ayant appartenu à l'impératrice Marie-Louise d'Autriche. On retrouverait aussi le diadème, le collier et l'une des boucles d'oreilles issus des bijoux de saphirs et de diamants des reines Marie-Amélie et Hortense dans leur butin.
Ajoutant à l'aspect irréel de l'affaire, le potentiel de gain monétaire pour les voleurs est malgré elle source d'épatement chez le public en ligne.
Sur les ondes de la radio RTL, Laure Beccuau nous informait que «le préjudice a été estimé par la conservatrice du Louvre à 88 millions d'euros», une somme «extrêmement spectaculaire», mais qui «n'a rien de parallèle et de comparable au préjudice historique».
Toutefois, contrairement à ce que pourraient croire les utilisateurs TikTok, les malfaiteurs en fuite «ne gagneront pas» cette somme «s'ils avaient la très mauvaise idée de fondre ces bijoux», a-t-elle ajouté, disant «attendre avec intérêt de savoir si, selon le jargon policier», les empreintes retrouvées, «en cours d'analyse», «vont matcher ou pas».
Interrogée sur l'existence d'éventuelles complicités dans le musée le plus visité au monde, la magistrate a répondu ne pas pouvoir «répondre par oui ou par non» à ce stade. Elle a par ailleurs indiqué que le véhicule-nacelle, garé le long du musée et qui a servi à commettre le vol, a été obtenu par les malfaiteurs via «une pseudo-location sur un prétendu déménagement».
Tandis que la France et le Louvre demeurent dans l'attente de plus d'informations pour composer avec les retombées de ce crime, le Web continue de spéculer, et de reprendre cette histoire pour faire rire, ou encore pour faire la critique des événements et de ce qui les a permis. Qui sait, peut-être que les délinquants s'y trouvent aussi, et sont témoin de tout le discours qui circule à leur endroit — une réalité des plus étranges, symptomatique de notre époque et qui ne prendra fin que lorsqu'ils auront été identifiés!