Parizeau rêvait de privatiser une partie d’Hydro-Québec


Antoine Robitaille
Jacques Parizeau nous attendait, le journaliste Michel Venne et moi, dans le bureau modeste que le Québec prêtait à l’ancien premier ministre, dans le magnifique édifice des Archives nationales, rue Viger à Montréal. En ce début d’été 2005, il faisait chaud et Parizeau portait – chose rare – un costume clair.
On raconte qu’il était, à chaque entrevue, systématiquement entouré de papiers et de livres regorgeant de statistiques récentes sur lesquelles il pourrait appuyer une idée, une analyse.
C’était encore plus manifeste ce jour-là, sans doute parce que nous débarquions à deux pour faire un entretien de fond destiné à l’Annuaire du Québec 2006 (sorte «d’état du Québec», publication annuelle qui existe encore aujourd’hui, sous ce nom d’ailleurs).
Polémiques
Manifestement, Parizeau avait l’humeur à la polémique. Le programme que le Parti Québécois venait d’adopter? «Ça n’a pas de bon sens», déclarait-il sans détour, en lisant tout haut un bout du texte où le PQ s’engageait à «former des médias souverainistes». En s’esclaffant, il lance: «Ça va être quoi? La Pravda? C’est le gouvernement qui va former cela?» Il estimait le texte truffé de «conneries» dont l’ensemble ne faisait «pas sérieux». Il n’hésitait pas à piquer un des favoris dans la course à la direction alors en cours, André Boisclair: «Je ne sais pas s’il l’a lu, mais il a “le plus grand respect” [pour ce texte]. Ça aide, ça!» L’entrevue, dévoilée en décembre 2005, avait fait les manchettes.
Productivité
Notre longue conversation avait été ponctuée de déclarations chocs. Mais aussi, surtout, de développements professoraux captivants. Entre autres sur l’urgence d’accroître la «productivité par heure travaillée» au Québec.
Hubert Thibault, ancien conseiller de Monsieur, le dit bien: «C’est un homme qui réfléchissait tout le temps: qui avait mille idées, qui se questionnait en permanence.» Et qui n’hésitait pas à provoquer la réflexion publiquement. Lors de cet entretien, il n’avait ménagé ni la gauche, ni la droite économique.
Hydro
Je n’ai d’ailleurs jamais oublié l’idée audacieuse et controversée qu’il nous avait exposée: vendre 10% des actions d’Hydro-Québec.
Vingt ans plus tôt, dans une conférence à Toronto, il avait formulé pour la première fois cette proposition, qui avait soulevé un tollé. Là-dessus, il se disait en désaccord avec René Lévesque, qui refusait que l’on touche au «navire amiral» de l’État.
Mais Parizeau n’en démordait pas: les avantages seraient nombreux. Pourquoi 10%? Parce qu’au-delà, HQ devait payer des impôts à Ottawa! Selon lui, en vendant 10% des actions, on améliorait «son rapport équité-dette». Cela «plairait aux investisseurs qui cherchent des titres de qualité». De plus, sans que les Québécois ne perdent le contrôle, ça forcerait HQ à être plus efficiente.
Alors que la société d’État vient d’être décotée, l’idée mériterait-elle d’être reconsidérée? Hubert Thibault ne le croit pas. Bien que minoritaires, des «actionnaires activistes» réclameraient des dividendes à court terme. Actuellement, Hydro est plongée dans un projet de développement à long terme consistant à doubler sa puissance.