Parizeau de retour à l'Assemblée nationale

Antoine Robitaille | Agence QMI
Dévoiler une statue politique est un geste éminemment risqué.
Lorsque j'ai aperçu, hier matin, au bout de la rue qui porte son nom, le monument tout emballé de Jacques Parizeau, qui sera dévoilée aujourd'hui, une anecdote m'est revenue à l'esprit.
19 octobre 2006: jour d'inauguration d'un autre bronze de premier ministre, celui de Robert Bourassa.
Jacques Parizeau y était. Lucien Bouchard, qui venait de faire sa célèbre déclaration sur la productivité des Québécois, à ses yeux trop faible, aussi.
Agglutinés autour de Monsieur, les reporters demandent au grand économiste ce qu'il en pense: «Une fois de plus, les Québécois ont déçu M. Bouchard. Une fois de plus. Je trouve ça dommage.» Piqué, Bouchard rétorquera plus tard: «M. Parizeau m'a lui-même beaucoup déçu un certain soir d'octobre 1995.»
La cérémonie pour Bourassa? Éclipsée. Son rictus sur le bronze (du sculpteur Jules Lasalle, qui co-signe celui de Parizeau) donnait l'impression que l'ancien chef libéral s'amusait des querelles déchirant ses «amis d'en face».
Risques
Il y a toujours un risque à se souvenir. Certains, réduisant le géant Parizeau à «l'argent et les votes ethniques», rechigneront à le voir accéder ainsi à la postérité.
Ils ajouteront peut-être qu'il fut un premier ministre éphémère (moins de 2 ans). Me faisant l'avocat du diable, je soumets ces arguments au biographe Pierre Duchesne. Il s'anime: «Mais Parizeau, c'est un engagement sur des décennies, dès les années 1960 pour l'État du Québec.» Il fut aussi un «grand parlementaire» et un des «plus grands ministres des Finances de l'histoire du Québec». Sans compter ceci: comme chef de gouvernement, il passa à deux cheveux d'un Oui gagnant.
Selon Duchesne, Parizeau n'aurait pas rechigné à être statufié: «Il s'assumait.» Me vient une phrase de Chesterton: «Un monument doit, proprement parlant, être pompeux. La pompe est son objet même.» Le Parizeau aura d'ailleurs huit pieds, confirme le conseiller artistique John Porter.
Esthétique
L'autre risque est esthétique. Depuis l'époque de nos grands sculpteurs – Louis-Philippe Hébert et autres Alfred Laliberté –, la statuaire politique, figurative, a cessé d'être enseignée; semble s'être perdue.
René Lévesque, le pauvre, en a fait les frais: une première statue, jugée trop petite, fut remplacée par une plus grande. Qui a d'autres défauts... pour rester poli.
La Fondation Parizeau a tout fait pour éviter ce type de scénario. Lisette Lapointe, ancienne députée et veuve de Monsieur, y travaille depuis six ans. Il y eut concours. Choix (houleux) d'un duo de sculpteurs (Lasalle avec Annick Bourgeau, auteur du Jean Lesage). «Nous avons travaillé avec des centaines de photographies», explique Porter. «Ainsi, on va au-delà de la simple ressemblance, ça devient une présence.»
Sorte de retour, donc, de ce grand homme inspirant, qui nous quittait il y a 7 ans aujourd'hui.