Parfois, il vaut la peine de se rassurer (un peu) sur le Québec


Antoine Robitaille
On tient souvent pour acquise la «différence québécoise».
L’accord de Charlottetown, rejeté par référendum en 1992, contenait la définition juridique la plus élaborée: «Le Québec forme au sein du Canada une société distincte, comprenant notamment une majorité d’expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil.»
Depuis des décennies, des auteurs ont voulu documenter la différence québécoise à partir de distinctions concrètes. Le publicitaire Jacques Bouchard avait détaillé Les 36 cordes sensibles. Jean-Marc Léger avait repris l’exercice il y a quelques années en développant son Code Québec.
Modèle
L’Institut de recherche sur le Québec fait paraître ces jours-ci un petit essai éclairant intitulé La différence québécoise, un modèle de liberté, d’égalité et de coopération, signé par le jeune chercheur Vincent Vallée.
Le pari de ce dernier est de faire une radiographie de certaines parties de cette «différence» à partir de données empiriques.
Pas seulement ces nombreuses opinions des Québécois qui les distinguent du reste du Dominion ou du continent (comme dans le Code Québec), mais aussi les phénomènes sociologiques quantifiés.
Le Québec, par exemple, serait le meilleur endroit au Dominion «pour élever des enfants», selon une étude canadienne-anglaise. Le meilleur en termes d’égalité, notamment des sexes; l’endroit où les pères s’engagent le plus dans la famille: 93% d’entre eux utilisent le congé paternel. Dans le reste du Canada, c’est 24%. Les inégalités économiques seraient aussi les moins prononcées ici que partout ailleurs en Amérique du Nord.
Ce qui expliquerait, note Vallée, que «le Québec est l’une des sociétés les moins violentes en Amérique». Notre taux d’homicides? Un des plus bas dans les pays industrialisés.
Le Québec se distinguerait aussi comme l’endroit au Canada où les langues des Premières Nations sont le mieux préservées, notamment. Sur la diversité sexuelle, même type de données rassurantes: les Québécois seraient, par exemple, 16% «plus nombreux que les autres Canadiens à être tolérants envers l’homosexualité».
Portrait flatteur
Certains y verront un portrait trop flatteur qui occulte des aspects où le Québec se distingue, mais pour les mauvaises raisons.
L’auteur souligne tout de même que les Québécois ont «la plus faible propension à faire des dons de charité». Lors d’une causerie publique mardi soir où j’ai pu échanger avec Vallée, il précisait que dans le reste du Canada, on donne souvent aux institutions religieuses. Or, au Québec, on est les moins religieux du continent. Et on est très imposés et taxés.
Certains, d’ailleurs, y voient un enfer fiscal qui ne nous en donne pas assez pour notre argent: SAAQclic, Northvolt, déficit record, toutes choses nous faisant déprimer ces temps-ci.
N’empêche, comme je le soulignais récemment, sur plusieurs plans, le Québec et son organisation sociale ont parmi les meilleurs résultats de ce continent: espérance de vie, mortalité infantile, taux de diplomation postsecondaire, etc.
Par les temps qui courent, nous sommes très critiques de notre «modèle» et, partant, de notre différence. Ce portrait noir doit être nuancé. C’est notamment ce que le petit livre de Vallée permet de faire.