Pablo Rodriguez, l’homme qui flottait


Emmanuelle Latraverse
Il y a quelque chose de profondément injuste dans la chute spectaculaire de Pablo Rodriguez.
Personne jusqu’ici n’a remis en question sa probité, son sens de l’éthique. Et pourtant c’est lui qui paie. C’est lui que l’on sacrifie pour les abus allégués des autres.
Injuste, cruel. Mais telle est la politique. Car cette ignorance qui est devenue sa marque de commerce au cours des dernières semaines s’est révélée le talon d'Achille de l’ensemble de son leadership.
Plutôt que d’être un chef aux commandes de son parti, Pablo Rodriguez a eu l’air d’un chef qui flottait, porté les sondages, coulé par les vagues d’une tempête qu’il n’a pas vue venir.
Mirage
Il faut traverser la rivière des Outaouais, avant le début de sa course pour comprendre le phénomène.
Il était lieutenant politique de Justin Trudeau. Déjà en août 2024, il s’imposait comme le meilleur rival potentiel à Denis Coderre à la tête du Parti libéral du Québec (PLQ).
D’Ottawa, c’était facile avec une ou deux phrases bien senties de faire les manchettes contre les discours «anti-immigrants» de la Coalition Avenir Québec, sa «laïcité qui exclut et divise». Ajoutez une belle envolée scriptée à la période des questions et le tour est joué.
Un fils de réfugiés, un enfant de la loi 101, amoureux du Canada, connu des Québécois; c’est cette image idéale que les libéraux ont retenue. Les sondages de l’hiver qui le plaçaient au coude à coude avec le Parti Québécois ont suffi à convaincre juste assez de militants libéraux qu’ils avaient trouvé leur «gagnant».
Son passage sans intérêts au ministère des Transports, on n’en a pas parlé. Les raisons pour lesquelles Justin Trudeau a attendu 3 ans avant de le nommer ministre non plus.
Nul n’a osé non plus faire remarquer que c’est la force de la vague Trudeau qui a fait élire 40 libéraux en 2015.
Le syndrome du bon gars
«Pablo c’est un bon gars.» C’est ainsi que le décrivent tous ses partisans.
Affable, enthousiaste, profondément engagé, c’est super pour aller prendre une bière, mais est-ce que ça fait un bon chef?
Surtout, pour le parti de l’économie, il n’avait aucune feuille de route solide à offrir. Pas grave, il était bien entouré. Martin Coiteux, l’ancien président du Conseil du trésor allait assurer.
Personne ne s’est demandé s’il était minutieux, consciencieux. Nul n’a remis en question les pratiques des gens qui l’entouraient et distribuaient des «certificats de sollicitation» comme des bonbons.
Et lui, «le bon gars», a fait le pari de ne rien surveiller, ne rien remettre en question.
Refaire l’unité au sein de son parti, il ne s’en est pas préoccupé. Pire, il a consacré la mainmise de sa «gang d’Ottawa» sur le PLQ.
Les sondages en hausse pour le PLQ ont occulté la fragilité de son leadership. La crise l’y a cruellement confronté. Celui qui croyait voguer vers le pouvoir a oublié de gouverner son propre parti.