Ottawa : la fin du bar ouvert ?

Emmanuelle Latraverse
Elle fut la première à déclarer que son gouvernement doit renouer avec la prudence. Il ne faudrait donc pas se surprendre d’entendre la ministre des Finances décider de mettre cartes sur table.
L’économie va ralentir, le chômage va augmenter, la situation sera difficile, particulièrement pour ceux qui traînent de grosses hypothèques.
Chrystia Freeland appelle ça « donner l’heure juste aux Canadiens ». Mais elle a également voulu servir une mise en garde.
« On ne peut pas soutenir tous les Canadiens avec des mesures d’urgence comme nous l’avons fait pendant la pandémie. »
Même si une récession, oups ! un ralentissement, frappe le Canada, Ottawa ne cédera plus à la tentation des vastes programmes d’aide.
La PCU 2.0 oubliez ça.
Le verdict est implacable, où l’est-il ? Là est la question.
Leçon anglaise
Le Canada a certes une situation économique et fiscale beaucoup plus enviable que la Grande-Bretagne. N’empêche, la tourmente dans laquelle s’est plongée la nouvelle Première ministre Liz Truss doit servir de leçon de ce côté de l’Atlantique.
Fraîchement assermentée, elle a déposé un plan de relance économique articulé autour d’imposantes baisses d’impôts des particuliers et corporatifs, financés à même le déficit !
Il n’en fallut pas plus pour que les marchés s’effondrent, que la Banque centrale doive intervenir pour sauver les pensions. Même son nouveau ministre des Finances y est passé.
Le message du monde financier est simple : il y a une limite à creuser un puits sans fond.
Quoiqu’en disent les conservateurs, le Canada est loin d’avoir atteint les limites possibles de l’endettement public. Mais le risque est réel. L’heure d’un retour à une certaine discipline s’impose.
Fort de cette cruelle leçon, le gouvernement Trudeau fait bien d’envoyer le signal qu’il a compris que les déficits ne s’effacent pas tous seuls. C’est ainsi que toute aide future sera strictement ciblée vers les plus vulnérables.
D’ailleurs, se préoccuper de la dette ne suffit pas, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu de l’inflation.
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Quelles priorités ?
Cette profession de foi responsable marquera-t-elle une nouvelle discipline au sein du gouvernement Trudeau ? De nouvelles priorités, mieux ciblées, moins idéologiques afin d’armer l’économie canadienne et lui donner les moyens de rebondir ?
Chrystia Freeland voudrait certainement que l’on pense que oui. Mais son discours sème le doute.
Une meilleure formation de la main-d’œuvre, logement, garderies, filet social « pour la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour y arriver », la liste des priorités ne semble pas avoir changé.
Car la ministre des Finances continue de croire que l’embellie viendra rapidement, que le Canada saura tirer profit de la course aux minéraux stratégiques pour alimenter la transition énergétique.
Encore faut-il y arriver.
Heureusement, Chrystia Freeland promet de s’attaquer au talon d’Achille de l’économie canadienne, soit son manque de productivité. Mais pour y arriver, elle devra s’attaquer au talon d’Achille de son propre gouvernement, l’incapacité de mettre ses croisades idéologiques de côté et faire des choix parfois douloureux.