Ottawa forcera Facebook et Google à payer les médias canadiens
Raphaël Pirro | Agence QMI
Le ministre du Patrimoine Pablo Rodriguez a déposé mardi son projet de loi visant à forcer les grandes plateformes comme Google et Facebook à redistribuer une part des profits engrangés sur le dos des entreprises médiatiques.
Cette loi vise à renverser une tendance qui s’est installée il y a près de quinze ans avec l’explosion de ces plateformes qui accaparent aujourd’hui environ 80 % des revenus publicitaires sur la toile canadienne.
Inversement, Ottawa évalue que les revenus de l’industrie de la presse au Canada ont fondu de moitié (51 %) entre 2008 et 2018, passant de 5,5 milliards $ à 2,7 milliards $, provoquant la fermeture de 450 entreprises médiatiques et la disparition de milliers d’emplois entre 2008 et 2021, dont 62 dans les deux dernières années seulement.
«Le travail des journalistes a une valeur», a déclaré M. Rodriguez, qui parle ni plus ni moins d’une «crise» qui perdure dans les salles de nouvelles.
En se basant sur une loi similaire adoptée en Australie, le ministre estime que la loi pourrait rapporter entre 150 millions $ et 200 millions $ annuellement au secteur médiatique au Canada.
Des négociations obligatoires
Le projet de loi C-18 prévoit l’ouverture d’une négociation obligatoire entre ces plateformes et les médias qualifiés au terme de laquelle une entente doit être signée à l’intérieur de 12 mois.
Des exemptions à ces négociations obligatoires sont toutefois prévues si Google et Facebook trouvent un terrain d’entente avec une organisation avant les délais prévus suivant l’adoption de la loi.
Un processus de médiation est prévu dans le cas où les discussions n’aboutissent pas ou que les critères de l’entente ne sont pas jugés valides aux yeux du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui a été choisi pour chapeauter le tout.
L’entièreté des institutions journalistiques canadiennes de grande taille pourra bénéficier du programme, mais Ottawa assure que les plus petites organisations auront aussi droit à leur part du gâteau puisqu’il suffit pour une organisation d’avoir un minimum de deux journalistes pour être admissible.
Québecor s’est réjoui de l’annonce. «Ce projet de loi reconnaît que l'exploitation et la diffusion de contenus d'information sans rémunération par les plateformes étrangères sont inéquitables et préjudiciables à la collectivité», a affirmé le président et chef de la direction de l’entreprise, Pierre Karl Péladeau.
Même si des médias étrangers sont admissibles, ceux-ci devront concevoir et éditer des nouvelles au Canada pour être admis.
Il sera possible pour les entreprises de s’unir pour négocier collectivement avec les plateformes pour trouver un terrain d’entente commun. Cela pourrait s’avérer un atout pour les plus petites entreprises, comme les quotidiens et hebdomadaires régionaux, par exemple.
«Cette approche a connu un succès retentissant en Australie, où les petits et grands éditeurs signent des accords de licence de contenu significatifs», a déclaré par communiqué Jamie Irving, président du conseil de Médias d’Info Canada, qui regroupe près de 600 publications.
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