Oscars: le cinéma a bien changé

Guy Fournier
Si vous pensez que The Fabelmans gagnera dimanche l’Oscar du meilleur film, c’est que vous en êtes encore au cinéma de papa.
Le dernier long métrage de Steven Spielberg représente les derniers soubresauts du cinéma de papa, un genre que j’aime bien, mais qui tire à sa fin. The Fabelmans ne saurait être plus classique à tous les points de vue, surtout si on le compare à d’autres films en nomination comme Everything Everywhere All at Once, dont le scénario perd plus d’un spectateur ou Triangle of Sadness, qui comporte une longue séquence à faire lever le cœur du cinéphile le plus endurci. Maintenant qu’il y a des « avertissements », on se permet tout.
Les séries de télé, les jeux vidéo, les nouvelles méthodes d’animation, les innombrables effets que permet le numérique et les habitudes auxquelles nous ont rompus YouTube et TikTok ont profondément changé le cinéma. Aucun scénario ne semble extravagant, invraisemblable ou impossible à suivre pour les cinéphiles les plus jeunes. À preuve, leur engouement pour le film Tout, partout, tout à la fois dans lequel l’héroïne se retrouve plongée dans des mondes parallèles où elle explore toutes les vies qu’elle aurait pu mener. Un scénario quasi incompréhensible pour qui n’a jamais entendu parler du multivers ou de la magie du chaos.
DES FILMS INTERMINABLES
Et il y a aussi la durée déplaisante des films. Il n’y a pas si longtemps, les films de plus de 100 minutes constituaient l’exception. Producteurs et distributeurs avaient la main haute sur la durée des films, mais ça aussi, c’est terminé. Les réalisateurs sont désormais rois et maîtres et tous semblent en amour avec leurs œuvres.
Les films sont donc de 30 à 40 minutes trop longs. Comme Avatar, comme All Quiet on the Western Front ou comme Triangle of Sadness. La durée moyenne des 10 films en nomination aux Oscars est de 2 heures et 40 minutes. Pas étonnant qu’on ait de plus en plus tendance à les regarder chez soi où on peut les mettre sur pause à volonté !
Si les milliers de votants de l’Académie, la plupart d’âge mûr, ne se laissent pas influencer par les nouvelles tendances du cinéma, des films comme The Fabelmans, Avatar ou Top Gun : Maverick ont une très mince chance de remporter les grands honneurs.
Je parierais plutôt que l’Académie n’osera pas bouder Everything Everywhere All at Once.
LES GAGNANTS INDIVIDUELS
C’est peut-être la dernière fois qu’il y aura des catégories « genrées » aux Oscars. Cate Blanchett pour Tàr, Michelle Yeoh pour Everything Everywhere All at One, et Michelle Williams pour The Fabelmans devraient donc se faire une chaude lutte pour l’Oscar du premier rôle féminin.
Quant à l’Oscar pour le meilleur rôle de soutien féminin, il devrait échoir à Jamie Lee Curtis ou à Stephanie Hsu, deux actrices de Everything Everywhere...
Chez les hommes, Brendan Fraser pour The Whale devrait avoir le dessus sur Austin Butler, qui campe tout de même un formidable Elvis Presley. Pour les rôles de soutien, il faudra beaucoup de chance à Brendan Gleeson (The Banshees of Inisherin) pour l’emporter sur Ke Huy Quan de Everything Everywhere...
Même si j’ai aimé Women Talking, le film de la Torontoise Sarah Polley aussi en nomination dans la catégorie du meilleur film, il n’y a aucune chance qu’il remporte plus que l’Oscar pour la meilleure adaptation cinématographique. Women Talking ne dure que 104 minutes, mais il semble longuet tant l’action est inexistante.