Oscar Rivas: la chance d'une vie


Mathieu Boulay
Depuis qu’il a mis les pieds au Québec, Oscar Rivas rêve de devenir champion du monde. Un objectif qu’il n’a jamais perdu de vue malgré ses blessures récurrentes. Sa patience a été mise à rude épreuve, mais il n’a jamais baissé les bras.
Il pourrait récolter les fruits de ses efforts des 12 dernières années vendredi, à L’Olympia de Montréal. Le Québécois d’origine colombienne se battra dans le premier combat de championnat du monde de l’histoire de la catégorie des super-lourds-légers (224 lb).
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Cette catégorie a été créée l’an dernier, par le World Boxing Council (WBC), qui sanctionnera le combat entre Rivas (27-1, 19 K.-O.) et Ryan Rozicki (13-0, 13 K.-O.).
«C’est un combat très important pour moi et ma carrière, a expliqué Rivas lorsque rencontré par Le Journal. Il a une signification particulière en raison de mon parcours chez les professionnels.»
«J’ai eu beaucoup de blessures. C’est une opportunité en or et je dois la saisir. C’est le résultat de tous mes efforts dans le gymnase. C’est la ceinture que je souhaite obtenir depuis longtemps.»
«Lorsque la cloche va sonner, je vais tout faire pour profiter de cette chance que j’attends depuis des années.»
Une page d’histoire
L’attachement de Rivas envers sa Colombie natale est encore très fort. D’ailleurs, deux de ses enfants et plusieurs membres de sa famille y habitent toujours.
Par une victoire contre Rozicki, Rivas pourrait écrire une page d’histoire en devenant le premier boxeur à gagner un titre mondial dans l’une des catégories les plus lourdes de la boxe.
«Cette nouvelle catégorie va me permettre de démontrer aux gens ce que je peux vraiment faire sur un ring, précise-t-il. Pour ce qui est du fait que je pourrais passer à l’histoire, c’est sûr que j’y pense beaucoup.»
«Avec la pandémie qui a frappé durement la Colombie, je crois que les gens de mon pays ont besoin d’une bonne nouvelle. À l’entraînement, j’ai travaillé très fort et j’ai mis tout en œuvre pour que ça arrive.»
Rivas pourrait ainsi se joindre à Eleider Alvarez dans le cercle des plus grands boxeurs originaires de la Colombie. Alvarez avait fait l’histoire en 2018, en devenant le premier champion du monde des mi-lourds de son pays.
Il avait battu Sergey Kovalev pour mettre la main sur la couronne WBO des 175 lb.
Déçu de Jennings
À l’origine, Rivas devait se mesurer à l’Américain Bryant Jennings pour l’obtention de cette première ceinture des super-lourds-légers. Toutefois, Jennings, qui est non vacciné, n’a pas voulu se plier aux règles de la Santé publique du Canada et du Québec.
C’est un combat que les amateurs auraient voulu voir, car le premier choc entre les deux hommes avait été chaudement disputé. Rivas l’avait emporté par knock-out au 12e round. Toutefois, les cartes des juges avaient été assez partagées.
Manque de professionnalisme
On aurait été acheteurs pour un deuxième duel entre les deux hommes, mais ce sera pour une autre fois.
«J’aurais vraiment aimé l’affronter à nouveau, mentionne le protégé du Groupe Yvon Michel. Il a manqué de professionnalisme en ne voulant pas se plier aux conditions en vigueur au Canada.»
«Il y a trois mois, il savait très bien qu’il devait être vacciné pour venir se battre ici. Pourtant, il voulait autant le combat que moi. Je n’ai pas compris sa décision.»
L’option Rozicki
Pour le combat le plus important de sa carrière, Oscar Rivas affrontera Ryan Rozicki, un boxeur invaincu de la Nouvelle-Écosse qui s’est toujours battu chez les lourds-légers (cruiser-weight – maximum 200 lb) depuis le début de sa carrière.
Comment Top Rank et le promoteur Yvon Michel sont-ils tombés sur cette candidature ?
«On a fait le tour de tous les aspirants qui sont classés par la WBC chez les super-lourds-légers, a mentionné Michel. La majorité n’était soit pas vaccinée adéquatement, soit pas disponible.»
En fait, il y en avait un : le Français Samuel Kadje (16-1, 13 K.-O.). Il était prêt à affronter Rivas malgré un délai plus court qu’à l’habitude. Toutefois, il y avait un hic.
«Le réseau ESPN a refusé le combat. Ils n’étaient pas intéressés même si on avait deux excellents boxeurs sur le ring», précise Michel.
Top Rank et ESPN excités
Voyant que les options n’étaient pas nombreuses, Michel a alors regardé vers la catégorie inférieure, celle des lourds-légers.
«Rozicki était déjà connu à la WBC parce qu’il détenait la ceinture Silver International. Il tentait de se faire un chemin jusqu’à un combat éliminatoire de cette division.»
«On a envoyé des vidéos de lui à Top Rank et ESPN. Ils étaient excités par ce qu’ils ont vu de Rozicki. Par la suite, on a reçu l’approbation du WBC peu de temps après.»
Un piège
Rozicki représente un piège pour le protégé de Marc Ramsay. Il a un style kamikaze qui ressemble à celui du champion des mi-lourds, Joe Smith Jr. Il fonce sur ses adversaires en lançant des coups de puissance.
Rozicki n’est pas un inconnu pour Ramsay. Le Néo-Écossais a déjà servi de partenaire d’entraînement à Eleider Alvarez avant son combat contre... Smith Jr. !
«C’est un dur, mais qui vient d’une catégorie inférieure, mentionne Rivas. Il va faire son travail, mais je vais aussi faire le mien.»
«Pour éviter de tomber dans le piège, je vais devoir suivre le plan de match de mon entraîneur. Je sais que je suis plus fort et plus rapide, mais je vais devoir être sur mes gardes. Je vais devoir boxer à mon niveau.»
Revoir ses priorités
Comme plusieurs, Oscar Rivas a profité de la pandémie pour recentrer ses priorités dans sa carrière et dans sa vie personnelle.
« Le confinement que nous avons vécu en raison de la COVID-19 a changé plusieurs personnes. Je fais partie de celles-là, a raconté Rivas. Ça m’a permis de recentrer mes priorités dans la vie.
« Avant, je voulais faire de la boxe seulement parce que j’étais bon. Maintenant, je sais que je dois travailler un peu plus pour atteindre ce que je veux. Je me suis rendu compte que je devais changer certaines choses. Ç’a tout changé pour le mieux. »
Il ne s’en cache pas. Il sortait dans les bars sur une base régulière. Sa femme et sa fille vivaient en Colombie. Et les blessures minaient sa carrière.
Rivas avait une recette parfaite pour ne pas maximiser son potentiel comme boxeur.
Un gros virage
Durant la pandémie, celui qu’on surnomme « Kaboom » a effectué un virage à 180 degrés. Les témoignages d’Yvon Michel, de Marc Ramsay, de son gérant Stéphane Lépine et de son préparateur physique Marc-André Wilson sont là pour le confirmer.
« Je suis devenu enfin mature, a souligné l’athlète de 34 ans avec un léger sourire. Durant la pandémie, j’ai vu que les gens s’adaptaient constamment par rapport à une nouvelle réalité.
« Pour moi, c’était la chance de changer mes façons de faire dans toutes les sphères de ma vie. Avec ma grosse famille [il a quatre enfants], j’avais besoin de le faire. »
Il a deux enfants au Québec et deux autres en Colombie. Le boxeur a rempli tous les documents pour rapatrier ses deux garçons au Québec, avant la fin de l’année.
Perte de poids saine
Son préparateur physique a raconté une anecdote au sujet de Rivas et de sa nouvelle philosophie. Elle illustre bien le changement amorcé par son protégé.
« Quand tous les gymnases ont fermé, il est venu me voir pour m’emprunter un vélo stationnaire et de l’équipement pour s’entraîner à la maison, a indiqué Wilson. Il m’envoyait des vidéos de lui en train de s’entraîner.
« C’est vraiment à ce moment qu’il a fait descendre son poids. »
Durant ses années chez les poids lourds, Rivas faisait osciller la balance entre 240 et 250 lb. Ça lui permettait de ne pas être trop désavantagé par rapport à ses adversaires. Il a dû perdre une vingtaine de livres pour se conformer à la limite de 224 lb des super-lourds-légers.
« C’est la première fois de sa vie qu’il se soucie de son poids, a poursuivi Wilson. Il est dans la meilleure forme physique depuis son combat qu’il devait faire contre Gerald Washington en 2016.
« Je l’aime 1000 fois mieux à ce poids-là. Il est beaucoup plus endurant et explosif. Il est à son top. Oscar est aussi très bien dans sa tête. Tout le mérite lui revient. »