On voudrait étouffer les entrepreneurs, on ne s’y prendrait pas autrement
Ottawa change radicalement les règles portant sur les travailleurs étrangers temporaires


Francis Gosselin
En septembre dernier, sans crier gare, Ottawa change radicalement les règles portant sur les travailleurs étrangers temporaires.
Après avoir, contre toute logique, ouvert grand les vannes de l’immigration toutes catégories confondues, le fédéral choisit de cibler précisément ceux qui contribuent le plus directement à l’économie du Québec: des travailleurs, en emploi, qui participent directement au développement économique de nos manufacturiers et de nos régions.
Des travailleurs, d’ailleurs, le plus souvent installés hors des grands centres; en Beauce, en Estrie, en Montérégie, dans les Laurentides. Des travailleurs qui ont appris la langue, et dont certains ont fait venir ici leur famille et leurs enfants, qui sont scolarisés au Québec.
Il y a quelque chose de gênant à traiter ainsi des gens qui participent pleinement à la société québécoise, apprivoisent notre culture et paient des impôts en raison de programmes bureaucratiques mal pensés et mal exécutés.
Il y a assurément une grande conversation à avoir sur l’immigration. Mais de renvoyer chez eux des soudeurs, des mécaniciens industriels et des électriciens qui travaillent assidûment dans nos entreprises, sous prétexte qu’ils sont dans la mauvaise case d’un fichier Excel, me laisse un goût amer.
De vrais dommages économiques
Le programme de TET a-t-il créé une situation de «dépendance» face à la main-d’œuvre étrangère bon marché? Là n’est pas la question.
Si on peut effectivement chercher à réduire l’apport d’immigrants en emploi, encore faut-il le faire comme il faut. Ici, force est d’admettre que le fédéral a bâclé.
Cette volte-face improvisée risque de faire mal à de nombreuses entreprises qui ont investi et planifié leur production en fonction des ressources en place.
Bien que l’on constate une certaine augmentation du taux de chômage ces derniers mois, les chiffres consolidés trahissent une réalité très différente sur le plancher des usines: la pénurie de main-d’œuvre continue de faire rage au sein de nombreux métiers spécialisés, particulièrement dans les régions.
D’ailleurs, en matière de chômage, le Québec continue de se situer nettement sous la moyenne nationale.
Ne pas avoir la main-d’œuvre disponible, c’est retarder des projets, c’est refuser des commandes, et limiter notre création de richesse.
Il est inconcevable que le gouvernement du Québec ne soit pas plus vocal concernant ce changement de règles, qui va faire mal aux entrepreneurs d’ici.
Prendre les choses en main
Laissés à eux-mêmes, abandonnés encore une fois par les différents paliers de gouvernement, les entrepreneurs prennent donc les choses en main.
Nul ne sait ce qu’il adviendra de cette poursuite de 300 M$ contre le fédéral. Cela peut-il éventuellement mener à un programme de compensation des pertes? À la mise en place d’une clause grand-père servant à protéger les travailleurs déjà en place?
Il y a assurément dans l’épisode de gestion chaotique des quotas en immigration une leçon à apprendre. Énoncer d’avance. Donner de la prévisibilité. Créer de l’anticipation.
Ces gouvernements qui changent d’avis au gré du vent sont une nuisance économique. La meilleure chose qu’ils pourraient faire, c’est de ne rien faire.