«On veut rester ici»: une famille menacée par les nouvelles règles d’Ottawa
Alex Martin
Une trentaine de travailleurs étrangers temporaires de l’entreprise Industries Dodec, à Chicoutimi, pourraient devoir quitter le pays dans les prochains mois, en raison des nouvelles règles imposées par le gouvernement fédéral.
L’entreprise réclame des mesures transitoires pour éviter de lourdes pertes... et des familles s’inquiètent pour leur avenir.
Víctor Hugo Castillo et María Nicol Munera Contreras sont arrivés de Colombie il y a deux ans. Le couple, qui a un garçon de 5 ans et une fille née au Canada il y a 11 mois, dit vivre dans l’angoisse depuis l’entrée en vigueur de la réforme du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).
«On est venus ici pour tout recommencer. On travaille, on paie nos impôts... mais on ne sait jamais si on pourra rester. Chaque changement nous frappe», confie Víctor, employé chez Dodec.
«On travaille très fort pour s’intégrer, pour apprendre le français... On veut mourir ici. On a fait un plan de retraite», ajoute María, qui œuvre comme préposée aux bénéficiaires dans le réseau de la santé.
Le couple affirme avoir tout vendu avant de quitter la Colombie, espérant s’établir de façon durable au Québec.
Une entreprise fragilisée
Depuis novembre 2024, Ottawa limite à 10% la proportion d’employés à bas salaire étrangers dans les entreprises canadiennes, réduisant le seuil précédent de 20%. Pour Dodec, cette réforme compromet la rétention de travailleurs qualifiés dans un contexte de pénurie criante de main-d’œuvre.
«En septembre, j’en perds déjà un. On a fait plus d’un million en investissements pour les loger, les former... et là, on ne pourra même plus les garder», explique Marie-Jeanne Bonneau, copropriétaire de Dodec.
Elle souligne que l’entreprise a investi depuis 2016 dans l’achat de maisons et de duplex pour loger les employés recrutés à l’international.
«Ce ne sont pas juste des employés, ce sont des familles qu’on perd graduellement.»
Dodec affirme aussi que ces travailleurs opèrent des équipements spécialisés, notamment un tour vertical de 1,4 million de dollars installé récemment.
«J’ai un seul opérateur pour faire fonctionner cette machine... mais pour combien de temps encore?»
Appel à Ottawa
L’entreprise demande au gouvernement fédéral d’instaurer des mesures transitoires, comme des clauses grand-père, pour éviter des pertes irréversibles dans les régions.
«On espère d’ici septembre avoir des bonnes nouvelles, et obtenir ce qu’on demande pour pouvoir conserver notre main-d’œuvre», insiste Mme Bonneau.
Ottawa n’a toujours pas donné suite à cette demande, malgré les appels répétés de plusieurs employeurs québécois.