On se contente de peu


Richard Martineau
Savez-vous quel est le problème majeur des Québécois, selon moi?
On se contente de peu.
La note de passage.
60% et on est tout heureux.
Prenez les transports en commun, par exemple.
Au Japon, la ponctualité est considérée comme une vertu nationale.
On dit que le métro va arriver à 3 h, 16 min et 6 s? Il arrive à 3 h, 16 min et 6 s.
Pile.
Sinon le chauffeur se fait hara-kiri.
Ici, bof.
Le fait qu’il n’y a pas de pannes nous rend extatiques.
Tu vas au théâtre et les comédiens connaissent leurs répliques?
Ovation debout, même si la pièce est remplie de clichés.
Les profits d’Hydro-Québec sont en baisse?
Oui, mais les employés ont quand même travaillé fort.
Alors, bonus.
«Bravo, vous avez bien essayé.»
Quand Pierre de Coubertin a dit que l’important n’était pas de gagner mais de participer, je suis sûr qu’il pensait au Québec.
Le repas? Pas pire.
La maison? Pas laide.
L’émission de télé? Pas mauvaise.
Pourquoi viser l’excellence quand 60%, ça fait la job?
Le médecin est arrivé à l’heure pour son opération?
Une prime!
Un beau bonhomme
À la commission d’enquête sur le fiasco de SAAQclic, on a demandé à une membre du conseil d’administration de la SAAQ pourquoi la société d’État continuait de faire confiance au responsable du projet si les ratés s’accumulaient et les coûts explosaient.
«Il avait une belle personnalité», a répondu la dame, qui est experte en gouvernance.
Quand l’ex-président du conseil d’administration de la SAAQ Konrad Sioui a su que la société d’État était passée à travers son budget et qu’il ne restait pas une maudite cenne dans ses tiroirs, a-t-il fait venir le directeur pour lui passer un savon et lui demander ce qui se passait?
Non.
Il a dit aux autres membres du CA de ne pas éventer l’affaire.
Car il y avait des élections un mois plus tard.
À quoi ça sert d’avoir un conseil d’administration si celui-ci ne s’assure pas que l’organisme qu’il est censé surveiller est bien administré?
À rien.
Strictement rien.
Mais, bon, faut pas être trop sévère, trop exigeant.
Le patron de la SAAQ avait fait son possible.
Et puis, il avait probablement une belle personnalité, lui aussi.
Alors on passe l’éponge.
Quand la SAAQ a lancé son projet de transformation numérique, elle a mal évalué le travail qui était requis.
Elle a dit que ça nécessiterait X milliers d’heures de travail.
Or, ça a pris 800 000 h de plus.
Oups.
Mais c’est pas grave.
Qui ne s’est jamais trompé, hein? Et puis, c’est dur, calculer ces affaires-là!
Alors on repasse l’éponge.
Et c’est comme ça que d’erreur pas grave en erreur pas grave, et de «belle personnalité» en «belle personnalité», on creuse des trous d’un milliard de dollars.
Mais, bon, shit happens, non?
Comme a dit un membre du conseil d’administration, «faut faire confiance».
Si le Québec était une personne, il enverrait 20 000$ à un gourou qui lui promet d’allonger sa didine ou à une princesse africaine qui lui promet de lui donner la moitié de sa fortune.
«Oui, mais ils parlaient bien...»
Sur la bottine
Quand j’étais petit, j’ai essayé de jouer au hockey.
Une catastrophe.
Je patinais sur la bottine, je tombais toujours sur le cul.
J’ai passé la saison à réchauffer le banc.
Or, à la fin, j’ai eu un trophée.
Pas de farce.
Je ne sais même pas pourquoi. Pour avoir réussi à attacher mes lacets, j’imagine, ou une niaiserie du genre.
On ne voulait pas me faire de la peine – alors que me donner un trophée m’a plus humilié que si on ne m’avait rien donné.
Des fois, je me dis que c’est ça, le Québec.
On voit Pablo Rodriguez («un Trudeauiste pur jus», comme m’a dit Joseph Facal) se présenter à la chefferie du PLQ, et on est tout excité.
«Il sera pas mauvais.»
60%, je vous dis.
C’est tout ce que ça prend, au Québec, pour avoir une étoile dans son cahier.
«Bel effort!»
Ça devrait être notre nouvelle devise.
INDIGNATION À GÉOMÉTRIE VARIABLE
La justice populaire est bizarre, parfois.
Tu es animateur à la télé et tu as fait une mauvaise blague sur TikTok? Tu perds tous tes contrats, tu es barré à vie et tu ne peux plus exercer ton métier.
Tu as milité dans un groupe extrémiste qui prônait la violence, tu planifiais de transporter des cocktails Molotov, tu as dirigé un camp d’entraînement paramilitaire pour combattre le capitalisme et tu te promenais avec des bâtons de baseball et des billes d’acier?
Tu peux travailler comme journaliste à Radio-Canada et te présenter comme candidat pour le PQ!
Suis-je seul à trouver ça étrange?
D’ailleurs, concernant Alex Boissonneault: serions-nous si indulgents s’il avait milité dans un groupe d’extrême droite plutôt que dans un groupe d’extrême gauche?
Poser la question, c’est y répondre.
DRÔLE DE FÉMINISME
Si je comprends bien certaines féministes, les femmes qui décident de rester à la maison et de prendre soin des enfants sont victimes du patriarcat et leurs maris sont de méchants masculinistes de droite qui nous ramènent 70 ans en arrière.
Mais les musulmanes qui portent le voile et cachent leurs cheveux – quand ce n’est pas leurs bras, leurs jambes et leur visage – sont des femmes libres et indépendantes et il faut respecter leurs choix.
Ben coudonc.
Les voies du néo-féminisme sont impénétrables.
ENCORE UN FIASCO!
Selon les experts, le système de paie des employés du système de santé québécois sera le nouveau SAAQclic.
Oubliez les vampires et les zombies.
La créature la plus terrifiante au monde est un fonctionnaire qui essaie de brancher un fil dans un ordinateur.
Les employés de l’État chargés d’informatiser nos systèmes sont capables de faire plus de dégâts que n’importe quel pirate informatique étranger.