«On peut-tu passer à autre chose?»: une ancienne relation des Hells Angels veut devenir maire en Mauricie
Claude Vallée brigue la mairie de Grandes-Piles

Jean-Louis Fortin
Une ancienne relation des Hells Angels qui a frayé avec les motards criminalisés au tournant des années 2000 veut faire table rase sur son passé et devenir maire d’un village en Mauricie.
«On peut-tu, s’il vous plaît, passer à autre chose? [...] Aujourd’hui, je suis un restaurateur qui est grand-père de trois enfants.»
Au bout du fil, Claude Vallée décline poliment notre invitation à aborder ses années dans l’entourage des Hells et des Blatnoïs de la Mauricie, un de leurs défunts clubs-écoles.
L’homme de 57 ans se présente le 2 novembre prochain à la mairie de Grandes-Piles, un village de 500 habitants au nord de Shawinigan.
Le ministère préoccupé
En novembre 2012, le ministère de la Justice a estimé que les liens de Vallée avec le crime organisé étaient si préoccupants qu’il a congédié sa conjointe.
Cette dernière, une greffière, faisait très bien son travail, mais le Ministère ne pouvait tolérer qu’elle fasse vie commune avec une «personne d’intérêt pour le milieu policier en raison de ses fréquentations avec les Hells Angels».
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Ce congédiement a été renversé par des tribunaux deux fois plutôt qu’une, etl’employée a dû être réintégrée.
Dans sa décision rendue en juin 2016, l’arbitre de grief Gilles Lavoie a notamment conclu que le congédiement était injustifié en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, et que les échanges de Vallée avec des Hells n’avaient «aucune dimension illégale». Il a constaté que Vallée n’était pas membre en règle des Hells.
«Des liens avec les Hells»
Au cours de l’audience, le ministère a fait témoigner Alain Belleau, un policier de la Sûreté du Québec expert des motards criminalisés, qui en avait long à dire.

Belleau a affirmé qu’il connaissait Vallée «depuis 1990 comme une personne ayant des liens avec les Hells», bien qu’il n’ait «jamais porté de veste», note l’arbitre Lavoie dans sa décision.
Le policier a ainsi rapporté neuf événements lors desquels Vallée aurait été vu avec des membres en règle des Hells, dont René Monfette et Éric Bouffard. Il s’agissait par exemple de parties de hockey ou d’un gala de boxe.

Un jour, Vallée a été intercepté par la police alors qu’il roulait derrière un convoi de motards des Blatnoïs. Interrogé lors de l’audience, il s’est justifié en racontant qu’il rapportait une voiture louée au local des motards. Il a reconnu «qu’il a, à l’occasion, peut-être cinq fois, accédé au local des Hells Angels de Trois-Rivières», écrit le tribunal.
«Ce n’est pas n’importe quelle personne qui entre là», a alors souligné la procureure du ministère de la Justice, selon ce que rapporte l’arbitre.

Porte-à-porte
Y a-t-il du vrai dans le témoignage sous serment du policier?
«Je ne répondrai à aucune question là-dessus», dit aujourd’hui Claude Vallée.
«On parle de 2016. On est en 2025, 2026 bientôt. Je paye mes impôts depuis que j’ai l’âge de 18 ans», insiste celui qui est désormais propriétaire d’un restaurant et d’un minigolf.
«Je vais faire mon porte-à-porte. [...] Je connais quand même beaucoup de gens dans le village. Je vais jaser avec eux autres, et si les gens ont des interrogations, on répondra aux interrogations», assure-t-il.
– Avec la collaboration de Camille Payant et Michael Nguyen
Ce qu’il promet aux électeurs
«Bonjour, je m’appelle Claude Vallée. Je me présente à la mairie de Granded-Piles parce que je crois profondément au potentiel de notre village. Je veux m’investir pour faire revivre notre communauté, attirer de nouvelles familles, soutenir nos commerces et mettre en valeur nos richesses naturelles.»
– Claude Vallée, dans une vidéo récemment mise en ligne sur YouTube.
Dans les mots du tribunal en 2016
«Monsieur Vallée a été observé lors de déplacements de membres et intercepté avec des membres des Hells et de leur club-école les Blatnoïs depuis 1993.»
– L’arbitre Gilles Lavoie, rapportant le témoignage d’un policier expert
«Peu importe la façon dont monsieur Vallée a connu ces gens, c’est qu’il fréquente des Hells Angels, pas juste un, mais plusieurs membres en règle, qu’il en connaît plusieurs et qu’il le fait publiquement. Et même, selon la preuve, l’organisation lui permet d’accéder au local des Hells à Trois-Rivières.»
– L’arbitre Gilles Lavoie, rapportant le témoignage de la procureure du ministère de la Justice
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