Les demandes d'asile, un voyant jaune pour Carney
La hausse des demandeurs d’asile met en relief le bilan libéral en immigration

Guillaume St-Pierre – analyse
OTTAWA | Le président Donald Trump et ses tarifs ont fait de l’ombre à tous les autres enjeux politiques dans la campagne électorale fédérale, au cours de laquelle même le bilan désastreux des libéraux en immigration a été évacué, mais cela pourrait changer.
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Signe des temps, Donald Trump (encore lui), par ses politiques de déportation, a remis sur le tapis l’enjeu des demandes d’asile, qui sont à la hausse depuis le début de l’année.
Au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, les demandes, déposées principalement par des migrants haïtiens, sont passées de 560 en janvier à 755 en février, puis à 1356 en mars et à 557 dans la seule première semaine d’avril.
Est-ce que cela représente le début d’une migration d’envergure vers le nord ?
C’est une possibilité. Des centaines de milliers d’immigrants aux États-Unis perdront bientôt leur statut à cause des politiques antimigratoires du président.

Le Canada n’est pas à l’abri d’une crise migratoire qui rappellerait celle qui s’est jouée au chemin Roxham à partir de 2017 et qui s’est estompée grâce à la signature d’un nouveau traité entre le Canada et les États-Unis.
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Réaction différente
En effet, depuis 2023, le chemin Roxham a été fermé et il est possible pour le Canada de renvoyer les demandeurs aux États-Unis.
Sans surprise, le chef libéral Mark Carney n’a pas joué dans le même film que Justin Trudeau, qui avait, lors du premier mandat de Trump, invité les personnes persécutées à venir trouver refuge ici dans un message sur les réseaux sociaux.
« Nous avons un accord des tiers pays sûrs. Dans cet accord, on peut les renvoyer aux États-Unis. Selon moi, c’est approprié, ça reste approprié », a dit M. Carney hier.
Du 1er janvier au 5 mars 2025, 580 demandeurs d’asile ont été renvoyés aux États-Unis, selon les données de l’Agence des services frontaliers du Canada.
François Legault lui non plus ne bronche pas devant les menaces américaines de déportations.
« J’ai déjà demandé à tous les chefs fédéraux de s’engager à réduire de moitié le nombre de demandeurs d’asile parce qu’on a vraiment excédé notre capacité d’accueil. Donc, ce n’est sûrement pas le temps d’en ajouter », a-t-il affirmé.
Débats
Depuis le début de la campagne électorale, aucun autre sujet que Trump ne colle, pas même concernant le bilan libéral, duquel Mark Carney a réussi à prendre ses distances.
Les événements imprévus sont aussi susceptibles de déstabiliser les politiciens, comme une potentielle crise migratoire.
Il faudra peut-être attendre les débats des chefs, la semaine prochaine, pour savoir si M. Carney sera rattrapé ou non par l’héritage de son parti, entre autres sur les questions d’immigration.
La hausse fulgurante des demandeurs d’asile des dernières semaines constitue certainement pour lui un drapeau jaune.