«On n’a pas d’aide»: des gens atteints par la COVID longue désemparés


Hugo Duchaine
La COVID longue menace environ 10 % des Québécois qui contractent le virus, laissant les malades désemparés et les rares cliniques débordées. Même si la vaccination réduit les risques, ils sont encore présents.
«Ça fait me paniquer [...] Je fais de l’anxiété à me demander si je vais rester de même longtemps. Le coût de la vie augmente, mon hypothèque aussi, et je suis sans revenu», s’inquiète Serge Couvrette.
Le quinquagénaire de Longueuil a contracté la COVID-19 en septembre dernier et, six mois plus tard, il ressent toujours de pénibles symptômes. Fatigue extrême le clouant au lit, brouillard mental l’empêchant de se concentrer et essoufflements en plus d’une difficulté à regarder un écran, le rendent incapable de travailler.
Ce dernier travaillait à partir de la maison, offrant du service à la clientèle et du soutien technique au téléphone pour une entreprise québécoise de luminaires. Il a tenté un retour quelques semaines après son infection, mais c’était peine perdue.
Pourtant, M. Couvrette croyait que ses deux doses de vaccin le protégeraient de la COVID longue. Et il est loin d’être seul dans cette situation, selon Statistique Canada.
Les victimes d’Omicron
Dans une étude publiée cet automne, l’organisme estime que 10,5 % des Canadiens infectés après l’émergence du variant Omicron ont développé des symptômes persistant plus de trois mois. C’est moins que lors de la première vague, où Statistique Canada chiffrait à environ 15 % les cas de COVID longue chez les personnes infectées, mais c’est un signe que le risque reste présent.
«C’est ça qui est mosus, pourquoi des gens ont ça et d’autres non; c’est fâchant», lance M. Couvrette.
Malgré tout, il cherche à rester actif autant physiquement que mentalement. Il fait des mots cachés et de la lecture, en plus de cinq à 10 minutes de tapis roulant quelques fois par jour.
«C’est frustrant, car je ne vois pas que ça s’améliore», souligne-t-il, ajoutant qu’il combat aussi des cauchemars et des idées noires face à son impuissance.
«Pas d’aide»
Il aimerait participer à la recherche contre la COVID longue ou simplement consulter un spécialiste pour comprendre ce qui lui arrive.
«On n’a pas d’aide, c’est angoissant», se désole M. Couvrette. Sa médecin de famille l’a dirigé vers une clinique de Sherbrooke, mais plus de 300 personnes attendent devant lui. La ligne 811 l’a dirigé vers l’Hôpital Charles-Le Moyne, qui le renvoie aussi à la même clinique de Sherbrooke.
Il précise qu’au téléphone, on lui fait part d’une attente de cinq à six mois.
Son député lui a suggéré les services CO-VIE, qui offrent des rencontres virtuelles avec des physiothérapeutes. M. Couvrette souligne qu’ils étaient 50 personnes en même temps lors de la rencontre virtuelle à laquelle il a participé, tant la demande est forte.
Parler à quelqu’un et obtenir des conseils en réadaptation l’ont, dit-il, énormément aidé.
300 personnes en attente pour des soins
Les quelques cliniques s’occupant des patients aux prises avec la COVID longue sont débordées par les demandes, surtout après les vagues Omicron de l’an dernier.
Le Dr Alain Piché, qui dirige la Clinique spécialisée pour les affections post-COVID-19 en Estrie, compte environ 300 malades sur sa liste d’attente. Il commence à peine à voir en consultation des gens infectés l’été dernier, souligne-t-il.
« C’est important de continuer à en parler. C’est l’épidémie dans la pandémie », illustre le spécialiste.
Patients doublés
Épidémiologiste-cardiologue et chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), la Dre Thao Huynh a, pour sa part, doublé le nombre de patients inclus dans son projet de recherche.
Avec un financement pour 200 patients, elle en voit désormais 400, qu’elle soigne à son compte et sur son temps, même pendant ses vacances. « Je vois tellement de souffrances que je ne peux pas arrêter », dit la médecin.
Les malades attendent environ deux mois avant de pouvoir être examinés.
Selon elle, les investissements annoncés par le gouvernement québécois sont insuffisants, mais les malades sont trop épuisés pour faire du lobbying.
L’an dernier, une somme de 20,5 millions $ a été annoncée pour créer 15 cliniques afin de traiter les symptômes post-infectieux causés par la COVID-19, un peu partout dans la province.
Mais, pour l’instant, le ministère de la Santé et des Services sociaux indique que seulement sept cliniques ont ouvert leurs portes et qu’une autre est en rodage.
Cet automne, Statistique Canada a évalué à 1,4 million le nombre de Canadiens qui ont subi des symptômes de la COVID-19 pendant au moins trois mois. Environ le quart sont des Québécois.
Percées à venir
Le chercheur Simon Décary de l’Université de Sherbrooke s’attend à des « avancées significatives » à la fin de l’année. D’abord, des études cliniques sont menées pour trouver des moyens de diminuer les risques de COVID longue, notamment avec des probiotiques ou le médicament Paxlovid.
Ensuite, il y a la création d’un guide de pratiques pour soulager les comorbidités liées à la COVID longue avec des médicaments existants.
En 2024, il prévoit l’apparition de nouveaux médicaments contre les symptômes de la COVID-19.
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