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L'article provient de Le Journal de Montréal
Éducation

«On gère avec des Mr Freeze»: il fait 29°C à l'école... et on n’est qu’au mois de mai

Presque rien n’est fait pour régler les problèmes de chaleur suffocante de plus en plus fréquents dans les écoles de Montréal, déplorent des enseignants

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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2024-05-28T04:00:00Z
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Des enseignants et des élèves en pleine préparation d’examens de fin d’année doivent déjà supporter «l’insupportable» dans leur classe où il a fait 29°C ou plus la semaine dernière, un problème qui se répète de plus en plus souvent.

«Je suis chanceuse. C’est moi qui ai la classe “froide” de l’école», dit le plus sérieusement du monde Magalie* (nom fictif), qui enseigne au primaire à Montréal.

Dans son local, il a fait 29°C mercredi. Et ce, alors que le mois de mai n’est pas terminé.

«Chez mes collègues de l’étage d’en haut, ça a monté jusqu’à 34°C», souligne-t-elle.

Grâce aux nouveaux capteurs de CO2 installés dans toutes les écoles, les professeurs peuvent voir en temps réel la température et le taux d’humidité dans leur local.

Plusieurs enseignants ont publié des photos de leur capteur sur les réseaux sociaux dans les derniers jours pour illustrer les conditions infernales dans lesquelles les met la vétusté de leur bâtiment.

La plupart de ces bâtisses ont été construites au début du 20e siècle, à une époque où les épisodes de chaleur en mai, juin ou septembre étaient exceptionnels.

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Les températures ont clairement dépassé la normale de 21°C la semaine dernière, le mercure ayant atteint 31,3°C à Montréal, indique Kevin Cloutier de MétéoMédia.

Le capteur d'une classe de secondaire, photographié mercredi.
Le capteur d'une classe de secondaire, photographié mercredi. Photo courtoisie

Or, ces épisodes sont appelés à se répéter de plus en plus souvent en raison des changements climatiques. À l’échelle de la planète, avril 2024 a été le 11e mois consécutif le plus chaud de l’histoire, illustre le météorologue.

  • Écoutez l'entrevue avec Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal au micro de Mario Dumont sur QUB :

«Dégueulasse»

Dans la classe d’Antoine*, il faisait si humide mercredi que les 29°C ont dû avoisiner les 45°C de ressenti, estime-t-il.

«C’est dégueulasse [...] Quant à moi, c’est de la négligence» de la part de l’école, s’indigne-t-il.

Les enseignants interrogés voient de façon flagrante les symptômes sur leurs élèves: ils sont affaissés sur leur bureau, incapables physiquement d’être attentifs, sans parler de l’absentéisme.

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Dans certains locaux, même l’ouverture des fenêtres ou l’installation de ventilateurs n’arrivent pas à faire baisser la température ressentie, rapportent les enseignants.

«Littéralement, il y a des moments où j’arrête d’enseigner et je vais au parc [avec les jeunes] parce que ça ne sert juste à rien», avoue Magalie*.

Chance égale aux examens?

Certains y voient un enjeu d’équité entre les jeunes qui étudient dans un vieux bâtiment et ceux qui sont au privé ou dans une école neuve. «Est-ce que tous les élèves ont les mêmes chances de réussir?» se demande Xavier*, qui est en pleine préparation des examens d'histoire du ministère.

Tous les jeunes de 4e secondaire seront soumis au même test d'une durée de trois heures au même moment, mais ses élèves à lui risquent de souffrir de la chaleur tandis qu’ailleurs, les jeunes le passeront confortablement à l’air climatisé.

Des profs se font refuser l’installation de leur propre climatiseur

Les problèmes de chaleur suffocante en classe ne sont pas pris au sérieux par les dirigeants scolaires, déplorent des enseignants qui se font refuser l’installation d’un air climatisé dans leur local, même à leurs frais.

«La chaleur, on gère ça avec des Mr Freeze», ironise Magalie*.

«À part distribuer des popsicles, il n’y a pas grand-chose qui est fait», déplore Éliane*, une enseignante du primaire dont le capteur présentait un taux d’humidité de plus de 60% jeudi.

Le mercure dépassait les 27°C dans la classe de primaire d'Éliane*, mercredi. Jeudi, les conditions étaient tout aussi insupportables, rapporte-t-elle.
Le mercure dépassait les 27°C dans la classe de primaire d'Éliane*, mercredi. Jeudi, les conditions étaient tout aussi insupportables, rapporte-t-elle. Photo courtoisie

«Reste plus qu’à supporter l’insupportable», soupire celle qui était déjà en nage avant même l’arrivée des enfants dans sa classe.

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Dans les dernières années, plusieurs enseignants se sont fait refuser l’installation d’un climatiseur, même lorsqu’ils proposaient de le payer de leur poche, note Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal.

Antoine* a voulu apporter le sien et s’est fait dire non sous prétexte qu’il lui fallait un appareil homologué par le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM).

«J’ai donc demandé un appareil homologué. On a refusé et on ne m’a jamais expliqué pourquoi», rapporte-t-il.

Même avec un billet médical

Mme Beauvais-St-Pierre rapporte le cas d’une personne qui avait un problème médical particulier, avec billet du médecin, et qui s’est quand même fait refuser ces solutions.

«L’argument invoqué était que l’installation et l’entretien de l’appareil seraient coûteux et demanderaient des ressources humaines», dit-elle.

Par courriel, le CSSDM explique devoir tenir compte des «caractéristiques architecturales» de chaque école, dont certaines ne permettent pas d’accueillir un système de ventilation complet. «Une grande importance est accordée au fait de s’hydrater régulièrement», précise Alain Perron, du service des communications.

De son côté, la CNESST indique qu’il n’existe pas de normes de température spécifiques aux milieux scolaires. «Il revient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger [...] l’intégrité physique et psychique du travailleur», répond-on par courriel.

Ventilateurs brisés

Magalie*, elle, n’a même pas de ventilateur puisque la plupart de ceux achetés par le concierge l’an dernier sont déjà brisés.

Pendant ce temps, presque tous les enseignants interrogés mentionnent qu’il y a bel et bien de la climatisation... dans le bureau de leur direction ou direction adjointe.

*Noms fictifs: les enseignants interrogés ont demandé l’anonymat pour éviter de subir des représailles de leur centre de services scolaire.

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