«On est déçus et surpris»: la Place des Arts annule le spectacle chinois «Shen Yun» sur fond de tensions politiques
La décision du complexe culturel montréalais survient alors qu’il y a une campagne de répression chinoise et des articles négatifs dans la presse


Jean-François Cloutier
La Place des Arts annule un spectacle controversé de dissidents d’origine chinoise qui était devenu une tradition depuis 2007, après que des représentations de ce printemps ont été visées par des menaces sur fond de tensions politiques.
Selon des informations obtenues par notre Bureau d’enquête, l’institution montréalaise a choisi de mettre un terme aux représentations annuelles du spectacle de danse Shen Yun.
«À la suite d’une réflexion approfondie, la Place des Arts vous a informé le 12 mai dernier qu’aucune option de location ne vous serait offerte pour le spectacle Shen Yun en mars 2026», a indiqué une gestionnaire du complexe culturel dans un courriel récent adressé à Charles Jin, un organisateur du spectacle.
M. Jin avait pourtant reçu des dates pour des représentations à la Salle Wilfrid-Pelletier, du 11 au 15 mars 2026.
La Place des Arts n’a pas voulu expliquer les causes de ce revirement. Chose certaine, au cours des derniers mois, une campagne de l’État chinois contre Shen Yun et des articles négatifs du New York Times ont fait la manchette.
«Malgré que nous ne puissions faire abstraction de certains événements qui sont survenus et rendus publics, c’est un ensemble de facteurs qui nous a amenés à prendre cette décision d’affaires», a affirmé une porte-parole de la Place des Arts, Géraldine Zaccardelli.
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Selon nos informations, le Centre national des arts, à Ottawa, a aussi pris une décision similaire pour 2026, qui a été communiquée avec les organisateurs de Shen Yun, le 28 juin.
Par contre, des salles de spectacle américaines prestigieuses, dont le Kennedy Center, à Washington, et le Lincoln Center, à New York, ont décidé de maintenir le spectacle l’an prochain, selon M. Jin.
Avant le communisme
Le spectacle est produit par Shen Yun Performing Arts, un organisme américain sans but lucratif.
On y proposait de faire voir à travers la danse «la beauté de la Chine ancienne avant l’arrivée du communisme».

«On est déçus et surpris», a indiqué Charles Jin en entrevue.
Falun Gong
Ce dernier ne s’en cache pas: ce sont des adeptes du mouvement Falun Gong qui organisent ce spectacle, qui vise à donner une autre perspective sur la Chine que celle promue par Pékin.
Ce mouvement spirituel fait l’objet d’une sérieuse répression en Chine depuis la fin des années 1990.
En 2021, des experts en droits de la personne de l’Organisation des Nations unies se sont dits alarmés par des rapports jugés crédibles sur des allégations de prélèvement d’organes ciblant des minorités en Chine, dont des adeptes du Falun Gong.
Le Falun Gong est considéré comme l’un des cinq poisons par le régime communiste de Pékin, avec le mouvement prodémocratie, l’indépendance de Taïwan, l’indépendance du Xinjiang et l’indépendance du Tibet.
Pressions de Pékin
L’annulation survient alors que la Chine prend pour cible à l’étranger des adeptes du Falun Gong.
À la fin 2024, le département de la Justice américain a annoncé qu’un homme avait été condamné pour avoir tenté de corrompre un agent de l’Internal Revenue Service (IRS), afin que Shen Yun Performing Arts perde son statut l’exemptant d’impôt.

En février, une alerte à la bombe visant Shen Yun a forcé l’évacuation du John F. Kennedy Center, à Washington. Selon Charles Jin, des menaces ont aussi été reçues cette année lors de plusieurs spectacles au Canada, dont à Montréal.
«Les mesures de sécurité ont été rehaussées à la Place des Arts lors des représentations de Shen Yun au printemps dernier», a indiqué Mme Zaccardelli.
Articles du New York Times
Le quotidien New York Times a par ailleurs publié une série d’articles très négatifs sur Shen Yun depuis août 2024, soulevant des questions sur les conditions de travail des artistes y prenant part, notamment.
En entrevue, l’avocat spécialisé en droits de la personne David Matas, membre de l’Ordre du Canada, a toutefois remis en question le travail du Times sur Shen Yun et le Falun Gong, jugeant que certaines allégations rapportées par le quotidien étaient exagérées.
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