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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

«On est Canayen ou ben on l’est pas!»

Jusqu’au déclin
Jusqu’au déclin Photo fournie par Netflix
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Photo portrait de Guy Fournier

Guy Fournier

2023-03-02T05:00:00Z
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Les plus âgés se rappellent sûrement cette chanson à répondre que chantait Pierre Daignault. 

Jamais la question que posait Conrad Gauthier, l’auteur des paroles de la chanson, n’a été autant d’actualité. Dès que le projet de loi C-11 (Loi sur la diffusion continue en ligne) sera adopté aux Communes (en principe d’ici à la fin du mois), l’une des premières tâches du CRTC sera de déterminer « ce qui est “canayen” ou ben qui l’est pas ». 

L’affaire n’est pas aussi simple qu’on l’imagine et elle a de lourdes conséquences, matérielles et culturelles.

Prenons le long métrage Jusqu’au déclin diffusé sur Netflix. En apparence, il ne saurait être plus « canayen » : les trois auteurs du scénario sont québécois, le réalisateur Patrice Laliberté est de souche, tous les acteurs et les artisans sont québécois pure laine, et le tournage s’est fait dans les Laurentides et dans Lanaudière. Cerise sur le gâteau, les acteurs ont doublé eux-mêmes le film en anglais et ont pu garder leur gros accent québécois. Eh bien ! Selon les règles actuelles de certification canadienne, Jusqu’au déclin n’est pas un film « canayen » parce que le « copyright » appartient à Netflix, une société américaine.

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La première règle pour qu’une émission ou un film soient considérés comme canadiens, c’est que le producteur soit canadien. Ce n’est pas tout. Il faut au moins que le réalisateur ou le scénariste et qu’une des deux personnes qui interprètent le premier ou le deuxième rôle soient aussi canadiens. Enfin, au moins 75 % des coûts doivent être versés à des travailleurs canadiens et à des entreprises canadiennes.

IL Y A AUSSI LES POINTS

Le réalisateur et le scénariste valent chacun 2 points, les deux principaux interprètes, 1 point chacun, tout comme le décorateur, le directeur photo, le compositeur de la musique et le monteur. C’est le CRTC qui a établi le pointage en 1984. Un film ou une série doit comptabiliser six points sur 10 pour avoir droit aux crédits d’impôt.

Avec la nouvelle loi sur la radiodiffusion, d’ici à un an ou deux, les géants du numérique comme Netflix seront obligés de produire du contenu original canadien. Pas besoin de vous dire que leur hantise est de devoir abandonner leurs droits de propriété (copyright) en tout ou en partie sur le film ou les séries qu’ils produiront.

D’un autre côté, plusieurs producteurs, artistes et artisans canadiens aimeraient bien que la règle du « copyright » soit adoucie afin de ne pas perdre les bons emplois que pourraient leur procurer les géants du numérique.

LE BEURRE ET L’ARGENT DU BEURRE 

Au Canada anglais surtout, on voudrait avoir le beurre et l’argent du beurre. Les studios de Toronto et de Vancouver sont occupés mur à mur par les géants américains. On s’apprête même à construire une nouvelle cité du cinéma à Markham, près de Toronto. Un projet de plus d’un milliard. 

La production qu’on y fait est aux trois quarts américaine. 

Warner, Discovery, Netflix et les autres géants profitent de la faiblesse de notre dollar et des généreux crédits d’impôt qu’on accorde pour la main-d’œuvre canadienne qu’ils engagent. C’est triste à écrire, mais plus d’un artiste et plus d’un artisan se fichent pas mal que ce qu’ils produisent soit « canayen » ou pas, pourvu qu’ils ne perdent pas de gros sous. Au diable la culture, si elle doit leur coûter quelque chose !

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