On attend quoi

Richard Martineau
Il y a quelques années, à l’émission Les francs-tireurs, j’ai interviewé le général Roméo Dallaire, qui dirigeait la mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda lors du terrible génocide de 1994.
Il m’a raconté à quel point il a trouvé ça dur de ne pas pouvoir intervenir.
Des enfants se faisaient découper à la machette devant lui, mais il ne pouvait rien faire, même si la mission qu’il commandait comptait 2300 hommes.
Il était condamné à rester spectateur.
MASSACRES EN DIRECT À LA TÉLÉ
« Je ne devais utiliser la force qu’en cas de légitime défense, si on tirait sur nos troupes, m’a raconté le général Dallaire. Près de 800 000 personnes ont été tuées lors de ce terrible massacre, mais je n’avais pas l’autorité d’intervenir.
« Je me souviens encore du son que les cadavres, qui étaient amoncelés les uns sur les autres, faisaient lorsqu’ils glissaient. C’était comme des poissons sur un étal... Je me souviendrai toujours de ce son, il me hantera jusqu’à la fin de mes jours... »
Cette expérience fut si frustrante, si éprouvante, qu’à son retour au Canada, le général Dallaire sombra dans une profonde dépression.
« On aurait dû nous permettre d’intervenir », se disait-il sans cesse.
Il se sentait coupable, honteux...
C’est un peu comment on se sent, ces temps-ci, quand on regarde les troupes russes massacrer des civils ukrainiens, bombarder un hôpital pour enfants et raser des villes entières.
On fixe notre télé avec effroi et on se demande : « Mais on va rester comme ça encore longtemps ? À regarder ce peuple se faire écraser sans intervenir militairement ? »
- Écoutez la rencontre Martineau - Dutrizac diffusée chaque jour en direct 11 h via QUB radio :
LE DOIGT SUR LE PITON
Je comprends que l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN et qu’au Kremlin, il y a un gars visiblement dérangé qui a le doigt sur le piton...
Mais comme tous les spécialistes le disent, Poutine ne peut déclencher seul une attaque nucléaire, ce n’est pas comme ça que ça se passe en Russie, même s’il s’agit d’un régime autoritaire.
Et puis, n’avons-nous pas le devoir d’aider cette petite nation qui défend les valeurs démocratiques bec et ongles ?
Ce n’est pas seulement l’Ukraine que Poutine attaque. C’est, à travers elle, l’Occident au grand complet.
Et on se contenterait d’imposer des sanctions économiques ?
Comme l’a fait remarquer au magazine L’Express Nicholas Mulder, un historien qui a publié un essai sur les sanctions économiques à travers l’Histoire (The Economic Weapon) : « Aucune sanction économique n’a réussi à arrêter une guerre. Les opinions publiques des pays occidentaux sont fatiguées des interventions militaires. Les sanctions apparaissent comme un moyen de projeter sa puissance sans mettre en péril la vie de ses concitoyens ou de ses militaires. C’est une forme de puissance politique low cost... »
Bref, on se donne l’impression d’intervenir. Sans vraiment inter-venir. Et sans nous mettre en danger.
- Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Daniel Turp, professeur de droit à l’Université de Montréal, sur QUB radio:
MÉCHANT DILEMME
Il y a quelques jours, j’ai regardé une vidéo montrant un tank russe détruisant une auto qui transportait... deux personnes âgées.
« Mais ça va prendre quel niveau d’atrocité pour qu’on se décide à intervenir militairement ? me suis-je demandé. On hésite même à leur envoyer des avions ! »
En même temps... voulons-nous vraiment d’une guerre mondiale ?