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L'article provient de Bureau d'enquête

«On a sauvé une catastrophe»: le Québec a failli vivre un cauchemar comme le feu de forêt mortel d’Hawaï, selon le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel

L’équipe de J.E a pu accompagner les acteurs dans les coulisses des feux de forêt qui ont ravagé la province cet été

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Photo portrait de Félix Séguin

Félix Séguin

2023-09-29T04:00:00Z
2023-09-29T22:09:59Z
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L’évacuation de 13 000 citoyens du Nord-du-Québec lors des feux historiques de juin dernier a causé beaucoup de tensions jusqu’au sommet de l’État, mais elle a permis d’éviter le pire. 

• À lire aussi: J.E: des millions d'hectares de forêt ont brûlé au Québec

« On a sauvé peut-être 1 ou 2 catastrophes. Le cocktail était parfait pour qu’on vive au Québec une situation comme peut-être Hawaï », dit le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, en parlant de l’incendie qui a fait des centaines de morts dans l’État américain en août dernier. 

Deux mois plus tôt, alors que les feux faisaient rage dans plusieurs régions du Québec, l’équipe de J.E a pu accompagner le ministre dans ses déplacements et survoler certains des feux qui menaçaient des villages. 

Le soir du 6 juin, la ville de Chibougamau, en Jamésie, a déclaré l’état d’urgence et demandé à ses 7500 résidents d’évacuer.  

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Le lendemain matin à 6 h 30, l’évacuation était toujours en cours. La nuit a été courte pour le ministre de la Sécurité publique. 

Son chef de cabinet, Pierre Tremblay, s’y trouvait déjà.  

« On va avoir une grosse journée », lance-t-il au ministre François Bonnardel. « Il y a une centaine de personnes qui ne veulent pas sortir de Chibougamau. Demandez aux gens de collaborer François », ajoute-t-il avant que le ministre entame ses rondes d’entrevues médiatiques. 

  • Écoutez l'entrevue avec François Bonnardel, ministre de la sécurité publique du Québec au micro de Mario Dumont sur QUB radio :  

À 10 KM DE LA VILLE 

L’incendie qui menaçait Chibougamau était alors à seulement 10 kilomètres de la ville. Les flammes étaient aussi aux portes du village cri de Mistissini situé non loin, mais la communauté refusait d’évacuer. 

Les feux de forêt ont menacé certaines communautés du Nord-du-Québec durant tout l'été, particulièrement durant le mois de juin.
Les feux de forêt ont menacé certaines communautés du Nord-du-Québec durant tout l'été, particulièrement durant le mois de juin. Capture d'écran

Le premier ministre François Legault est alors entré dans un breffage d’urgence au 6e étage du ministère de la Sécurité publique sur le boulevard Laurier à Québec. Il passe rapidement à l’évacuation de la réserve de Mistissini.  

« Hier matin on a dit "Il faut évacuer" selon la SOPFEU, ensuite le chef [de Mistissini] a dit "Moi je n'évacue pas" donc, moi je sais que je vais me faire apostropher tantôt là », a-t-il dit. 

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« Il y a eu une erreur, on s'entend-tu ? Si on essaie de faire de la politique avec les journalistes là... Moi j'aime autant leur dire la vérité, il y a eu une erreur hier de la SOPFEU », a-t-il conclu sèchement. 

/ QMI
/ QMI
LA TENSION MONTE À CHIBOUGAMAU 

À la fin de la journée, François Bonnardel a pris la route de Roberval où sont logés les évacués de Chibougamau. Il y a rencontré sa mairesse, Manon Cyr, qui n’avait pas la langue dans sa poche. 

« J'ai des citoyens qui me disent "Manon, le feu n’est pas arrivé". Je leur réponds "Mais je ne veux pas le voir le feu. On vous évacue au cas où. L’objectif ce n’est pas de le voir, ce n’est pas un feu de camp" » lance la mairesse. 

La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, lors d'une rencontre à Roberval avec la Sécurité publique durant les évacuations en juin.
La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, lors d'une rencontre à Roberval avec la Sécurité publique durant les évacuations en juin. Capture d'écran J.E

L’équipe de J.E a ensuite pris place dans l’avion qui ramenait l’élue et une partie du conseil municipal à Chibougamau. 

À l’hôtel de ville, il ne restait que le conseil municipal, des policiers et quelques employés. Ils essayaient de planifier le retour de la population évacuée. L’équipe était suspendue aux lèvres de François Legault qui a annoncé que les Chibougamois devront attendre encore plusieurs jours avant de revenir. 

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« Tabarn** ! » peste une conseillère. « L'ordre d’évacuation a été donné par la Ville. L’ordre de réintégration va être donné par la Ville », rajoute un autre échevin. 

La mairesse est alors intervenue. « C’est le premier ministre, il y a une raison pour laquelle il dit ça. On se calme. » 

« Ce n’est pas une science exacte », a avoué François Legault, appelé à revenir sur cet épisode au cours des dernières semaines. « Il n'y a pas de réponse parfaite. Il n'y a pas de manuel. » 

L'équipe de J.E a pu accompagner une équipe de pompiers forestiers sur le terrain.
L'équipe de J.E a pu accompagner une équipe de pompiers forestiers sur le terrain. Photo Denis Therriault Agence QMI

LES PAPETIÈRES FONT PRESSION 

Des élus du Nord-du-Québec estiment avoir été victimes des pressions des papetières qui tenaient à garder la forêt « ouverte » au plus fort des incendies de forêt. 

« Nous à la MRC, on se fait interpeller par Tembec qui est sentier Chibougamau, ils veulent aller survoler avec l’équipe de la SOPFEU, la possibilité de voir l’état des lieux, la récupération, la planification. Ils insistent énormément », a affirmé le directeur général de la Municipalité régionale de comté d’Abitibi-Ouest, Normand Lagrange. 

« L’accès à la forêt, quand on regarde la carte, la carte est encore très rouge. C’est une étape à la fois », a tempêté le ministre Bonnardel lors d’une visite express en Abitibi-Témiscamingue. 

  • Écoutez l'entrevue avec François Bonnardel à l’émission de Mario Dumont via QUB radio : 

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DIFFICILE D’ARRÊTER LE CN 

Québec a tenté par tous les moyens d’empêcher les trains du CN de circuler dans les zones vulnérables aux incendies, mais s’est heurté à un problème complexe. 

Le 6 juin, alors que les habitants de Chibougamau avaient dû évacuer leur ville d’urgence, le ministère de la Sécurité publique tentait de faire stopper les trains de marchandises du Canadien National. 

« Pourquoi on ne les a pas freinés ? » demande le ministre irrité aux membres de la cellule de crise réunis à Québec. 

« On a eu des discussions avec le ministère des Transports à cet effet-là et ils ont réuni l’association des transporteurs ferroviaires à cet effet-là pour leur mentionner la fermeture de la forêt et qu’il y avait des raisons pour ça », a répondu Jean Savard, directeur des opérations à la Direction générale de la sécurité civile.

Les trains du CN ont été mis en cause dans les incendies de forêt de Lytton en Colombie-Britannique en 2021 et celui de Timmins en Ontario en 2012. Dans les deux cas, le CN a réfuté les accusations.

PAS DANS MA COUR 

Le nuage de fumée provenant du Québec qui a enrobé New York au début du mois de juin a forcé les Américains à bonifier leur aide au Canada. 

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« Le président Biden a parlé au premier ministre Trudeau et Bill Blair, ministre de la Sécurité civile du fédéral a communiqué avec moi et il m’a dit "François les Américains sont prêts à nous aider encore. Qu’est-ce que le Québec a besoin ?" » a confié François Bonnardel en entrevue. 

« Quand la fumée qui s'est rendue jusqu'à New York, c’est peut-être un hasard, mais le premier ministre a envoyé des pompiers donc de l'aide des États-Unis », complète François Legault.

La ville de New York a été plongée dans la fumée des feux de forêt du Canada.
La ville de New York a été plongée dans la fumée des feux de forêt du Canada. Photo d'archives Twitter

Depuis le début de la saison des feux de forêt en territoire canadien, les États-Unis ont déployé plus de 1500 pompiers, selon l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen. 

NORDIC KRAFT: «ON A EU PEUR»

L’usine Nordic Kraft de Lebel-sur-Quévillon est au cœur des préoccupations du gouvernement alors que le feu 344 menaçait de faire exploser des milliers de litres de produits chimiques qui y étaient stockés. 

C’est d’un air grave que le premier ministre du Québec a écouté les membres de la cellule de crise lui décrire le pire scénario. 

« Dans les inflammables à l’usine, il y a 2 millions de litres de mazout. Il y a l’équivalent de 10 camions-citernes de gaz naturel liquéfié, donc du propane », affirme le sous-ministre de la Sécurité publique Marc Croteau. 

Les 2000 habitants de cette ville de la Jamésie sont alors évacués depuis quelques jours. 

« On m’a dit à un moment donné "L'usine de Nordic Kraft est à risque... Ne serait-ce qu’à cause de ça, il faut garder le monde évacué" », se rappelle François Legault. 

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