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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Des hypothèques à 15% chez des prêteurs privés: «La famille perdait la maison si on ne faisait rien pour les aider»

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Photo portrait de Francis Halin

Francis Halin

2023-10-21T04:00:00Z
2023-10-21T13:16:12Z
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De plus en plus de prêteurs privés volent d'urgence au secours des familles incapables d’obtenir de l’argent des banques pour s’acheter une maison. Ces «prêts alternatifs» ont bondi de 63% en deux ans, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

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«On en voit de plus en plus. On vient d’aider une petite famille», raconte Chantal Garceau, directrice de Financement Canbec, qui fait des prêts privés.

«Ils auraient perdu l’argent investi et la maison. Ils se seraient ramassés où après?» se demande-t-elle à voix haute. Sans ce prêt de deuxième rang, la famille n'aurait plus sa maison parce qu’elle avait un avis de 60 jours, qui lui pendait au-dessus de la tête. Ils ont eu l'argent à un taux de 15%.

Ces derniers mois, ces offres ont explosé. Une recherche sur Kijiji donne plus de 23 résultats. Dans Google, des publicités se bousculent en haut de page. Elles jouent du coude pour séduire de nouveaux clients, qui viennent de se faire virer de bord par les institutions financières habituelles plus frileuses.

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  • Écoutez le segment économique d'Yves Daoust via QUB radio :

«C’est populaire parce que les banques demandent des revenus plus élevés qu’avant», résume le prêteur privé Saeed Hashemi. 

«On doit toujours avoir en tête comment on arrivera à rembourser le prêt à terme», insiste François Bélanger, président de Belabri Capital.

François Bélanger, président de Belabri Capital
François Bélanger, président de Belabri Capital Fournie par François Bélanger

Pour Raymond Prince, président de Société RP & Associés, le prêt privé s'est démocratisé.

«Il y a beaucoup d'emprunteurs qui ont vécu au-dessus de leurs moyens. Les banques ont peur de prêter», affirme-t-il.

Raymond Prince, président de Société RP & Associés
Raymond Prince, président de Société RP & Associés Fournie par Raymond Prince

«On est souvent aussi un pont entre deux transactions», explique-t-il.

L’élastique s’étire

Même si ce type de prêt reste marginal, passant de 4,1% des prêts au troisième trimestre de 2021 à plus de 6,7% pour la même période, deux ans plus tard au Québec, ils ont augmenté, selon la SCHL.

«Les prêteurs alternatifs ont accru leur part de marché autant dans le segment des prêts hypothécaires nouvellement consentis que dans celui des prêts hypothécaires en cours de remboursement», confirme sa porte-parole Claudie Chabot.

D’après Pierre Fortin, président de Jean Fortin et Associés, l’élastique s’est étiré même pour ceux qui ont le même niveau de vie qu’avant en raison des hausses des taux successives.

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Coincée par les taux

Par exemple, une famille avec 100 000$ de revenu brut, une hypothèque de 350 000$, une marge de 10 000$ et une carte de crédit de 5000$ peut en arracher «sans même avoir ajouté un sou de dette», selon les mots de Pierre Fortin.

«Avant la pandémie, cette famille avait un ratio d’endettement de 34%, soit entre bon et très bon. Aujourd’hui, il serait à 42%, très proche de la limite», illustre-t-il.

  • Écoutez l'entrevue avec Francis Halin, journaliste au Journal de Montréal, au micro de Richard Martineau via QUB radio :

Pour Johanne Le Blanc, conseillère budgétaire chez Option Consommateurs, il faut faire attention avant de s’engager trop vite.

«La personne fait la demande et une heure après, elle se retrouve dans le bureau à signer. Ça va vite», note-t-elle. Mieux vaut bien lire les contrats et ne rien précipiter pour éviter de se retrouver par la suite dans de beaux draps.

Explosion de la demande

Chez Alepin Gauthier Avocats et Notaires, on constate également une hausse de la demande.

«Il y a non seulement le ratio d’endettement et le dossier de crédit avec les banques qui jouent, mais la rapidité. Il y a des gens qui veulent aller vite», analyse aussi Chanel Alepin.

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Chanel Alepin de Alepin Gauthier Avocats et Notaires
Chanel Alepin de Alepin Gauthier Avocats et Notaires Fournie par Chanel Alepin

«Il y a des gens qui sont hyper sérieux et d’autres qui sont un peu plus inquiétants», souffle-t-elle.

Au Journal, Olivier Boyd, syndic autorisé en insolvabilité de MNP, affirme qu'il sent également la surchauffe. Il estime que ces prêts peuvent être salutaires s’ils sont bien utilisés.

«Le prêt privé peut être à du 10%, 12% ou 15%, mais c’est parfois pour aller rembourser des dettes de cartes de crédit à 22%, 23% ou 24%», dit-il. Le jeu peut donc en valoir la chandelle pour sortir la tête hors de l'eau.

«L’enjeu, c’est qu’il ne faut pas utiliser son crédit pour s’endetter davantage», conclut-il.

–Avec la collaboration de Ghislain Larochelle, Nicolas Brasseur et Sylvain Larocque

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