Diplomatie à l’américaine


Luc Lavoie
Le décor ne trompe pas: nous sommes dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, là où est concentré le pouvoir de l’Empire américain. C’est dans ce lieu mythique que siège le sultan des temps modernes, là où il reçoit les visiteurs de haut rang venus de partout dans le monde.
Sous l’empereur Trump, l’endroit est devenu essentiellement un studio de télévision où, au gré de ses humeurs, le prince encense son visiteur ou le réduit en charpie, en direct et devant les caméras.
Pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le 28 février dernier, le sultan avait bien planifié son coup et pour que l’humiliation soit totale, il avait invité son grand vizir, un certain J.D. Vance. Trump avait accusé Zelensky de risquer une Troisième Guerre mondiale et Vance de manquer de respect envers la «Sublime Porte» américaine. L’affaire avait suscité un profond malaise dans le monde entier.
Comme prix de consolation, Zelensky eut droit, après les funérailles du pape François, à un tête à tête devant la Basilique Saint-Pierre de Rome. La rencontre de quelques minutes à peine a laissé un cliché rappelant celui d’un empereur écoutant sans bienveillance la confession d’un de ses sujets.
«Désolé je n’ai pas d’avion à vous offrir»
Mercredi dernier, c’est le président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, qui a eu droit au même type de mise en scène, encore plus odieuse si c’est possible. Depuis des mois, Trump affirme que les agriculteurs blancs d’Afrique du Sud sont victimes d’un génocide orchestré par un gouvernement dominé par des Noirs.
Le genre d’histoire dont se délectent les ignares qui croient tout ce que Trump dit.
Celui-ci avait préparé des vidéos et une revue de presse censées démontrer que les Blancs sud-africains sont victimes de violences et de meurtres. Ramaphosa a essayé à plusieurs reprises d’intervenir, mais sans succès. Il a tout de même réussi à prononcer une phrase que retiendra l’Histoire: «Désolé, je n’ai pas d’avion à vous offrir».
Quelques heures plus tard, on apprenait que les photos exhibées par Trump n’avaient pas été prises en Afrique du Sud, mais provenaient plutôt d’une vidéo tournée par l’agence de presse Reuters... au Congo.
Mark Carney fut épargné lors de son passage au Bureau ovale. Le seul premier ministre canadien à avoir goûté à la version américaine de la diplomatie fut Lester B. Pearson en 1965. La guerre du Vietnam faisait alors rage et le Canada voulait se distancer de ce conflit.
Pas sur le tapis du président
M. Pearson avait pris la parole à l’Université Temple de Philadelphie, réclamant que cessent les bombardements sur le nord du Vietnam. Le président Lyndon B. Johnson avait alors demandé au premier ministre canadien de lui rendre visite à Camp David.
La conversation avait été houleuse et, en quittant les lieux, Pearson avait voulu utiliser un langage amical. Le président était devenu rouge de colère et l’avait attrapé par le collet en lui disant: «Tu as pissé sur mon tapis. Ne pisse plus jamais sur mon tapis».