Nouvelle loi sur le logement: voici ce qui va changer pour les proprios et les locataires

Gabriel Côté
Après des mois de débat tumultueux, le gouvernement s’apprête à adopter la loi de la ministre France-Élaine Duranceau, qui se veut une réponse à la crise du logement. Face à l’hydre de l’inflation qui ralentit la construction de nouveaux appartements et fait augmenter le prix des loyers, Québec a prévu des mesures pour faire sortir de nouveaux logements de terre et «rétablir l’équilibre entre les locataires et les propriétaires». Aux yeux de l’opposition, toutefois, le projet de loi rate la cible faute de réparer le mécanisme de contrôle du prix des loyers devenu «hors de contrôle». Voici ce que cette loi va bientôt changer dans nos vies.
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Cessions de bail : les proprios pourront maintenant refuser
De loin l’élément le plus controversé de la loi Duranceau, les propriétaires pourront refuser qu'un locataire cède son bail à quelqu'un d'autre au même prix pour un motif «autre que sérieux», mais ils devront en contrepartie accepter de résilier le bail pour permettre au locataire qui souhaite partir avant l’échéance de le faire. Indignés, les partis d’opposition ont multiplié les efforts pour «sauver» cet outil qu’ils considèrent comme un dispositif de contrôle du prix des loyers, mais le gouvernement n’a pas plié, prétextant qu’il y a d’autres façons de limiter les augmentations.

Dédommager les victimes d’éviction
En vertu de la nouvelle loi, un locataire qui ne répond pas à un avis d’éviction sera considéré comme l'ayant refusé, et non accepté par défaut comme c’est le cas actuellement. Le propriétaire qui souhaite mettre dehors son locataire devra alors aller défendre son point au Tribunal administratif du logement (TAL).
- Écoutez l'entrevue avec Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec, via QUB :
Et quand une éviction va se concrétiser, les propriétaires seront obligés de dédommager leur locataire à hauteur d’un mois de loyer par année d’habitation du logement, pour un maximum de 24 mois. Auparavant, l’indemnité n’était que de trois mois, et il fallait défendre sa cause devant le TAL pour obtenir davantage.
Les proprios devront montrer patte blanche
La loi prévoit des dommages punitifs pour dissuader les propriétaires de mal informer les locataires au moment de la signature du bail. Ainsi, s’ils ne s’acquittent pas de leur obligation d’indiquer le prix le plus bas payé pour le loyer au cours des 12 derniers mois (la clause G), ils s’exposeront à une amende, qui sera déterminée par un juge au cas par cas.

Le projet de loi 31 a été pourfendu, car il ne limite pas la possibilité pour les propriétaires de nouveaux logements d’augmenter comme bon leur semble le prix des loyers pendant une période de cinq ans. Mais pour éviter les mauvaises surprises, ils seront tenus d’indiquer à l'avance, à la signature du bail, les hausses qu’ils prévoient appliquer.
Cette façon de faire permet plus de «prévisibilité» pour les locataires, a souvent plaidé France-Élaine Duranceau, sans décourager les propriétaires de construire. Elle rappelle que les logements manquent au Québec, alors que le contexte de pénurie de main-d'œuvre et de hausse du coût des matériaux complique la tâche des promoteurs.
Urbanisme: les villes pourront contourner leurs règlements
Dans le même esprit, le gouvernement a adopté un amendement controversé pour permettre aux villes d’au moins 10 000 habitants dont le taux d’inoccupation est très bas (moins de 3%) de passer outre ses règles d’urbanisme pour la construction d’immeubles d’un minimum de trois logements.

Les municipalités pourront aussi déroger à leurs règles pour les projets de logements sociaux et abordables ou de logements pour les étudiants, seulement pour les cinq prochaines années. Pour ce faire, elles devront toutefois mener une consultation publique.
