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L'article provient de TVA Nouvelles

Nouveau programme de français ou comment «améliorer le problème»

Photo d’archives, Jean-François Desgagnés
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Luc Papineau, enseignant de français

2025-09-02T04:00:00Z
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Lorsqu’il a annoncé sa volonté de modifier le programme de français, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, avait indiqué qu’il avait deux intentions précises : s’assurer que les élèves aient une meilleure connaissance de la culture québécoise et une meilleure maitrise de la langue écrite. 

Dans le premier cas, la nouvelle mouture de ce programme répond bien aux intentions identitaires du ministre. On sent une volonté d’accorder une plus grande place à la culture québécoise, mais aussi à celles des Premières Nations et des Inuits.

Dans le second cas, on se demande comment cet objectif sera atteint alors qu’on demeure sous l’impression de conserver les mêmes orientations pédagogiques qui nous ont menés à la situation actuelle. Au lieu d’apporter des solutions efficaces à la crise que nous vivons quant à la maitrise du français chez les jeunes, on a simplement « amélioré le problème » au lieu de le régler.

Contraites

Le programme est théoriquement magnifique, conçu par des sommités hautement reconnues mais impossible à couvrir par un groupe d’élèves moyens. Plusieurs enseignants ont déjà affirmé, par le passé, que l’ancienne version de celui-ci était trop complexe et visait trop d’objectifs à la fois. On semblait vouloir former des grammairiens, des analystes littéraires, des créateurs artistiques, des citoyens critiques.

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Par ailleurs, en plus de trente années d’enseignement du français, jamais je n’ai vu un programme aussi prescriptif, c’est-à-dire qui impose autant de contraintes aux enseignants. On indique combien d’œuvres devront être lues, de quelle origine elles doivent être, combien de textes devront être écrits, etc. Dans certains cas, on limite même leur autonomie professionnelle en imposant des orientations pédagogiques précises. Et on voit que cette volonté de micro-gestion va jusqu’à amener le ministre à déclarer que les élèves devront lire et écrire un texte par jour.

Dans les faits, à ma connaissance, aucun autre programme de l’école québécoise n’est aussi contraignant. Nulle part, on indique aux enseignants de sciences combien de laboratoires leurs élèves devront effectuer chaque année. En anglais, nulle part, on précise combien d’œuvres les jeunes devront lire annuellement.

Budget et évaluations

Ce qui est le plus consternant est qu’on demande aux enseignants et aux écoles de procéder à tous ces changements sans leur en donner les moyens. Par exemple, au secondaire, on n’attribue aucun budget aux enseignants concernant l’achat de livres contrairement à leurs collègues du primaire. On coupe même dans les budgets de classe ! Et ne parlons pas de la formation qui sera donnée aux enseignants. Si le passé est garant de l’avenir, on est en droit de se montrer pessimiste, surtout avec toutes les restrictions budgétaires que subit actuellement le milieu scolaire.

Quant à moi, la plus grande erreur du ministre est qu’il n’a pas eu le courage de s’intéresser à l’évaluation. On reste encore avec des grilles de correction qui permettront à des élèves ne maitrisant pas des notions grammaticales minimales de réussir différentes épreuves d’écriture. Comme l’a déjà dit un collègue : à quoi bon un programme en béton si les évaluations sont en carton ?

Dans les faits, le ministre pilote une réforme hautement politique dont il est fier, mais ne semble pas comprendre tous les tenants et aboutissants de celle-ci. Il repousse tout report de ce programme qui fonce tout droit dans un mur. Il avouait même ne pas comprendre la logique guidant la nouvelle liste orthographique du primaire. Heureusement pour lui, il y retrouvera enfin le mot « québécois ». Nos jeunes pourront peut-être enfin cesser de le massacrer quand ils l’écriront.

Luc Papineau

Enseignant de français

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