Nous voulions tous être Pierre Foglia


Josée Legault
Entouré des siens, Pierre Foglia s’en est allé à 84 ans. Que lui dire d’autre qu’un immense merci. Merci d’avoir persévéré dans ce métier de fou où le seul geste de signer un texte place illico sa tête sur le billot du «marché» des idées.
Jusqu’à sa retraite, en 2015, sa plume de chroniqueur émérite était la plus belle, la mieux ciselée et la plus réfléchie des médias québécois.
Nichée à la page A5 de La Presse, dans sa version papier d’alors, on espérait sa chronique avec la fébrilité d’un bébé en attente du sourire de sa maman.
Quel que soit son sujet, on savait que son analyse serait unique. Qu’elle serait fouillée avec le sérieux et tout le temps qu’il lui fallait pour la peaufiner.
Magnifique raconteur
Pierre Foglia était un magnifique raconteur. Il nous faisait voir le réel de la vie sous un angle inédit – le sien. C’était son ultime politesse envers les lecteurs.
Combien de fois, devant un phénomène social troublant ou une politique détraquée, je me demande ce qu’en penserait Jacques Parizeau ou Pierre Bourgault. Pierre Foglia rejoint maintenant cette courte liste.
Quand il nous parlait de sa fiancée, de ses chats, de sa campagne, de ses voyages, de vélo, de musique, de livres, de cinéma ou de politique, l’objet de son dévolu n’était jamais lui-même, mais les autres, à qui il s’intéressait vraiment.
En cela, la chronique étant à la fois un métier et, pour quelques bénis, un art créatif, il était tout d’abord un orfèvre des mots et de la pensée.
Lucidité
Son sens de l’humour caustique était pourtant capable, quelques paragraphes à peine plus loin, de nous tirer carrément les larmes.
Il avait même la lucidité de voir à quel point la quête incessante de «sens», une manie obligée dans notre métier, devient futile dans un monde insensé.
Pour toutes ces raisons, nous voulions tous être Pierre Foglia. Or, seul Foglia était Foglia. C’est bien là le plus bel héritage qu’il nous laisse.
Toutes mes condoléances à son amoureuse, à ses enfants, à ses amis et à tous ses collègues. Que son âme repose en paix.