Nous nous plaignons la bouche pleine

Richard Martineau
Vous connaissez la pyramide de Maslow ?
Créé en 1943 par le psychologue Abraham Maslow, ce dessin en forme de pyramide représente la hiérarchie des besoins.
MANGER, TRAVAILLER, MÉDITER
Selon Maslow, les besoins que l’homme doit assouvir pour être heureux se divisent en cinq groupes, qu’il représente par des blocs disposés les uns sur les autres comme une pyramide.
Tout en bas (c’est la base de la pyramide), il y a les besoins physiologiques.
Respiration, nourriture, eau, sexe, sommeil.
Ce sont les besoins de base. S’il ne réussit pas à assouvir ces besoins, l’homme ne peut vivre.
Ensuite, les besoins de sécurité : vivre dans un environnement stable, paisible, avec une maison, une famille, un emploi, etc.
Puis les besoins d’appartenance : l’affection, l’amour, l’amitié.
En quatrième position, les besoins que Maslow appelle « d’estime » : l’estime de soi, le respect des autres, la confiance en soi, le sentiment de réussite, etc.
Et, enfin, trônant en haut de la pyramide, les besoins d’accomplissement de soi – se réaliser, s’épanouir, se développer personnellement (par le yoga ou la méditation), bref, atteindre l’équilibre, vaincre ses angoisses existentielles et vivre en paix avec soi et le cosmos.
Pour passer au stade deux, tu dois remplir tous les besoins du stade un. Et ainsi de suite, jusqu’au sommet.
ON TRÔNE TOUT EN HAUT
Les gens, en Ukraine, étaient presque en haut de la pyramide, mais la guerre les a fait débouler jusqu’en bas.
Au moment où vous lisez ces lignes, l’Ukrainien moyen ne cherche pas à être en équilibre avec le cosmos.
Il veut juste manger, dormir et vivre en sécurité.
Nous, par contre, nous sommes tout en haut.
Quand tu es rendu à te demander s’il ne faudrait pas ajouter quelques lettres ou quelques chiffres supplémentaires à la formule LGBTQ2+ pour que toutes les minorités sexuelles se sentent « reconnues », s’il vaut mieux dire « auteure » ou « autrice », ou si les hommes blancs ont le droit d’ouvrir un restaurant de sushis, c’est que tu es arrivé au top du top de la pyramide.
Tes besoins de base sont comblés.
Tu regardes en bas, et tu te dis : « Bon, quelle sorte de yoga je vais faire, ce soir : du Bikram ou du Iyengar ? »
Tu te poses des problèmes de bourgeois.
Et tu prends tes troubles intestinaux pour des crises d’angoisse.
LE PARADIS
Les horreurs qui se déroulent en Ukraine (et, il faut le rappeler, dans beaucoup d’autres pays, où des gens se font massacrer tous les jours dans l’indifférence générale, autant la vôtre que la mienne) nous rappellent à quel point nous nous plaignons la bouche pleine.
On est vraiment en train de débattre s’il faut, oui ou non, interdire aux acteurs hétéros de jouer des personnages homosexuels ?
Vraiment ?
C’est rendu un débat de société ?
On est vraiment en train de se demander si une femme blanche a le droit de faire du yoga ?
L’autre jour, dans Le Devoir, on se demandait vraiment si les véganes devraient donner de la viande à leur chien ????
« Le dilemme des chats et des chiens végétaliens », titrait – sans rire – l’auguste journal.
On est vraiment rendu là ?
Ben coudonc.
On vit au paradis et on ne le sait même pas.