Notre-Dame de Paris: «J’ai été très ému» −Luc Plamondon
Notre-Dame de Paris a conquis la Grosse Pomme


Bruno Lapointe
NEW YORK | Près de 25 ans après sa création, Notre-Dame de Paris continue de conquérir de nouveaux publics... et d’émouvoir son cocréateur Luc Plamondon. Le célèbre parolier a eu peine à retenir ses larmes lors de la toute première représentation new-yorkaise du spectacle, la semaine dernière.
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Il fait chaud, à New York. Mais la température – collante et écrasante – ne ralentit en rien l’achalandage de Time Square, endroit le plus fréquenté de la Grosse Pomme.

Danseurs et acrobates du spectacle musical Notre-Dame de Paris s’échauffent en vue d’une prestation impromptue, au lendemain de leur toute première représentation au prestigieux Lincoln Center. Non loin d’eux flâne la distribution. Puis, Luc Plamondon arrive.

Sitôt, on sent l’effervescence monter d’un cran, moussée par l’aura du parolier. Une femme apostrophe d’ailleurs le représentant du Journal.

« C’est un homme important, n’est-ce pas ? Je le sens ! » s’exclame-t-elle avec un lourd accent new-yorkais. Elle le prend en photo avant de se fondre à nouveau dans la jungle locale.
Modeste Plamondon
Cette anecdote, racontée à Luc Plamondon en soirée, lui tire un sourire modeste. Et cette modestie, elle le caractérise parfaitement. Car le célèbre parolier – largement considéré comme un des plus grands de la francophonie – n’est pas du genre à chercher l’attention ni à se donner lui-même en spectacle.
Pourtant, ses mots ont marqué leur époque, qu’ils soient chantés par Céline Dion, Ginette Reno, Robert Charlebois, Bruno Pelletier, Julien Clerc, Diane Dufresne ou encore Johnny Hallyday. Du haut de ses 80 ans, il pourrait facilement être blasé, habitué au succès qui le suit depuis plus de 50 ans déjà.
Mais il ne l’est pas. En entretien au Journal, il avoue avoir eu peine à retenir ses larmes, la veille, en assistant à la toute première représentation de Notre-Dame de Paris à New York, la semaine dernière.
« J’ai été très ému », laisse-t-il tomber, rencontré dans le hall du Lincoln Center, en marge de la première médiatique de jeudi soir.
« C’était émouvant de voir Notre-Dame de Paris dans cette salle. Je la connais depuis 50 ans ; j’y ai vu des opéras, j’ai vu danser [Mikhail] Baryshnikov et j’ai rencontré Rudolf Noureev ici », poursuit-il.
« Toute ma vie »
Alors que Notre-Dame de Paris soufflera ses 25 bougies en septembre 2023, tout porte à croire que l’œuvre de Luc Plamondon et Richard Cocciante poursuivra sa lancée encore bien longtemps, comme le font les Phantom of the Opera, Chicago et autres The Lion King qui continuent à faire courir les foules sur Broadway.

Lorsque le sujet est abordé en entrevue, le producteur québécois Paul Dupont-Hébert saisit la balle au bond.

« Les 25 premières années d’un spectacle sont toujours les plus difficiles. Quand il dépasse cette marque, il est lancé pour la vie. Je pense bien que Notre-Dame de Paris va être comme Les misérables – aussi inspiré de l’œuvre de Victor Hugo, d’ailleurs – et continuer à jouer longtemps. C’est trop bien installé pour s’arrêter », avance-t-il.

« Tant que les gens viendront nous voir, on va être là. En tout cas, vu mon âge, moi, je sais que je vais continuer à le voir toute ma vie », renchérit Luc Plamondon en riant.
Dans ce cas, on lui souhaite de vivre éternellement.
♦ Notre-Dame de Paris prendra ensuite l’affiche au Québec en août.
♦ Les frais de transport et d’hébergement ont été assurés par Tandem.
Notre-Dame de Paris, en vrac
- Le spectacle a été présenté pour la toute première fois le 16 septembre 1998 au Palais des congrès de Paris avec, dans la distribution, les Québécois Bruno Pelletier (Gringoire), Daniel Lavoie (Frollo), Garou (Quasimodo) et Luck Mervil (Clopin).
- L’œuvre de Luc Plamondon et Richard Cocciante a été traduite en neuf langues et présentée dans 23 pays.
- Plus de 15 millions de spectateurs l’ont applaudie à travers le monde.
- Le spectacle est composé de 53 chansons.
- Notre-Dame de Paris réunit chaque soir une trentaine d’artistes évoluant sur scène.
- Les stars internationales Tina Arena, Dnanii Minogue, Damien Sargue, Herbert Léonard, Lola Ponce et
Candice Parise ont tenu la vedette de différentes versions du spectacle. - En dehors des membres de la distribution, les chansons du spectacle ont été reprises par des artistes de la trempe de Céline Dion, Josh Groban, Florent Pagny et Il Divo.
Une relève bien assurée

Ils ont 19 et 21 ans. Ils sont jeunes. Si jeunes, même, que Jaime Bono, Philippe Tremblay et Emma Lépine n’ont jamais connu un monde sans les Belle, Le temps des cathédrales et autres tubes de Notre-Dame de Paris. Et ils enfilent aujourd’hui les habits d’Esmeralda, Quasimodo et Fleur-de-Lys sur les scènes du monde entier. « La relève est assurée », promet Luc Plamondon.
« La réputation de Notre-Dame de Paris... c’est gros. Le spectacle est emblématique, tout le monde le connaît », souffle Philippe Tremblay, rencontré par Le Journal dans les coulisses du Lincoln Center de New York.
À 19 ans, le natif de Charlevoix devient ainsi le plus jeune interprète à se glisser dans la peau de Quasimodo. Il se prépare depuis plus d’un an et demi à ce « très, très grand défi » qu’il relève ces temps-ci pour la toute première fois à titre de doublure d’Angelo Del Vecchio, l’interprète principal du célèbre sonneur de cloches de la cathédrale.
« C’est certain qu’il y a beaucoup de pression qui vient avec le rôle de Quasimodo ; de très grands chanteurs l’ont défendu avec moi, dont Garou. Ça prend beaucoup de temps à assimiler, un personnage comme celui-là, à bien le comprendre et à placer ma voix dans ses chansons. Mais je suis prêt », poursuit-il.
« Pression » et « fébrilité »
Même son de cloche pour Jaime Bono. La jeune Québécoise de 19 ans évoque à la fois une « pression immense » et « une fébrilité qui ne s’explique pas en mots ». Après avoir intégré la troupe de Notre-Dame de Paris il y a moins d’un an, elle a déjà assuré la doublure des personnages d’Esmeralda et de Fleur-de-Lys à Séoul et à Taiwan.
Si Philippe Tremblay et Jaime Bono ne sont pas sur scène à chacune des représentations, Emma Lépine, elle, est l’interprète officielle de Fleur-de-Lys depuis désormais près de trois ans. La chanteuse de 21 ans se rappelle avoir eu « l’impression d’entrer dans un petit bout d’histoire » quand elle a décroché le rôle.
« Mon enfance a été bercée par les chansons de Starmania et de Notre-Dame de Paris. Ça a été un grand rêve de réalisé quand j’ai décroché le rôle de Fleur-de-Lys. Et j’en vis un autre en ce moment, en l’interprétant à New York. C’est ici que j’ai réalisé que je voulais faire de la comédie musicale, en venant voir Aladdin sur Broadway il y a cinq ans », confie la jeune chanteuse.
Pour l’amour du français
Elle ne cache pas sa fierté de pouvoir défendre ce rôle en français, autant en Asie qu’aux États-Unis.
« Moi, je suis Québécoise, alors le français, c’est primordial. Oui, ça peut arriver que je chante en anglais de temps en temps, mais je vais toujours me présenter comme une chanteuse qui écrit, qui compose et qui chante en français », plaide Emma Lépine.
« Et les mots de Luc Plamondon sont du grand génie. De pouvoir les faire résonner dans leur version originale à travers le monde, c’est un très grand privilège », complète-t-elle.
Une histoire digne d’un conte de fées
De dire que l’histoire de Jaime Bono tient du conte de fées serait pratiquement un euphémisme. Car c’est en croisant le célèbre parolier, par le plus pur des hasards dans un restaurant de la métropole, qu’elle a vu son destin prendre la tournure inattendue qui allait la mener jusqu’à Broadway.
La voix de Jaime Bono monte pratiquement d’une octave, mue par l’excitation, lorsqu’on lui parle de sa rencontre avec Luc Plamondon. Et son histoire n’a rien de banal.
Comme dans un film
« Ça s’est passé comme dans un film », laisse tomber Jaime Bono. Puis, elle se ravise.
« En fait, si les gens voyaient ça dans un film, ils n’y croiraient pas. Ils diraient que c’est trop exagéré, que ce n’est pas crédible. J’ai des frissons à chaque fois que j’y repense », laisse-t-elle tomber en riant.
La jeune Québécoise ne devait pas sortir ce soir-là, il y a deux ans. Mais ses parents l’ont convaincue d’aller passer une soirée en famille dans un restaurant de la métropole. Puis, au terme du souper, Jaime Bono a reconnu un visage familier au fond de l’établissement : celui de Luc Plamondon.
« On a payé son souper pour pouvoir lui parler quelques minutes. J’étais tellement sous le choc – c’est mon idole depuis toujours ! – que j’ai même oublié de lui dire que je chantais avant qu’il ne quitte », se rappelle Jaime Bono.
« Ma mère est une femme hyper timide dans la vie. Mais elle m’a agrippée par le bras en me disant que je ne sortirais pas d’ici vivante si je ne lui chantais pas une chanson », termine-t-elle.
« Parfait »
Et c’est ce qu’elle a fait... Non pas sans avoir d’abord empoigné – puis englouti – au passage un verre d’alcool sur le cabaret d’un serveur. Suivant Luc Plamondon sur le trottoir à sa sortie du restaurant, la jeune femme a entonné Je suis malade, tube de Lara Fabian, sur le parvis du restaurant.
Le souvenir reste également gravé dans la mémoire de Luc Plamondon.
« C’était parfait, c’était incroyable. Elle a atteint toutes les mêmes notes que Lara Fabian. Trois jours plus tard, elle s’envolait pour Paris pour remplacer une chanteuse qui refusait alors de se faire vacciner. Et en mois, elle chantait sur scène à Séoul avec Notre-Dame de Paris », explique-t-il.
Depuis, la jeune femme assure la doublure des deux personnages féminins du spectacle Notre-Dame de Paris, nommément Esmeralda et Fleur-de-Lys. Après les représentations de New York, Jaime Bono suivra la troupe jusqu’au Nouveau-Brunswick et au Québec, dont elle foulera les scènes pour la première fois.
« J’ai tellement hâte. C’est complètement fou, ce que je vis en ce moment. Je n’osais même pas en rêver », avance-t-elle.