Nos trésors du passé: des huîtres par centaines au Parlement de la province du Canada, à Montréal

Louise Pothier
Autres temps, autres mœurs, dit-on parfois. Mais ce n’est pas toujours le cas ! Les festins d’huîtres sont depuis longtemps entrés dans les goûts culinaires des Européens... et des Canadiens !
La découverte de centaines de coquilles d’huîtres parmi les vestiges archéologiques du parlement de la Province du Canada à Montréal (1844 à 1849) aurait pu passer inaperçue à côté des objets plus spectaculaires mis au jour, comme les livres brûlés de la bibliothèque ou les effets personnels des parlementaires...
En fait, c’est souvent en quantité considérable que les archéologues retrouvent ce type d’écofact, au Québec ou ailleurs. Pendant le Régime français, des arrivages de ce délectable mollusque provenant de la baie Verte, en Acadie, ou encore de la baie des Chaleurs, approvisionnent à l’occasion les gourmets dans la vallée du Saint-Laurent.
Pas banale
Cette découverte au cœur du Vieux-Montréal n’est pas aussi banale qu’elle en a l’air, puisqu’elle nous emmène sur la scène de la production d’huîtres pour des consommateurs sans cesse plus nombreux.
C’est au début du 19e siècle que l’engouement pour les huîtres prend son essor dans la colonie, en même temps que débarquent les milliers d’immigrants britanniques et les loyalistes américains.

La popularité de ce coquillage est alors telle que toutes les bonnes auberges et les hôtels de Québec et de Montréal le placent au menu, surtout en saison, de septembre à décembre. Les parlementaires du Haut et du Bas-Canada fréquentent sûrement quelques-uns de ces hauts lieux culinaires.
Toutefois, le parlement de Montréal dispose aussi de son propre restaurant – un refreshment room à l’anglaise – où le service du thé et les repas sont offerts.
La présence de coquilles d’huîtres en très grande quantité dans les vestiges de ce bâtiment incendié en avril 1849 vient confirmer une prédilection certaine pour ce mets parmi la classe politique, tant francophone qu’anglophone.

Les fameuses Malpèques
Pour s’approvisionner en huîtres fraîches, les Canadiens doivent se tourner vers l’Île-du-Prince-Édouard, avec ses fameuses Malpèques pêchées dans la baie du même nom, de même que vers la baie de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, ou la baie des Chaleurs. Dans tous les cas, il s’agit de la même espèce : l’huître américaine, Crassostrea virginica.
Au moment où le Canada s’apprête à devenir une confédération, en 1867, les méthodes de pêche changent complètement en Amérique du Nord. L’emploi de la drague, introduite en 1820, mais d’usage plus courant après 1860 aux États-Unis, a certainement favorisé la pêche excessive en permettant de ratisser les fonds marins sur de grandes distances tout en réduisant l’effort physique pour les pêcheurs. Dans le golfe du Saint-Laurent, une maladie dite « de Malpèque » a grandement réduit les stocks d’huîtres au début du 20e siècle.
Ce qui n’empêchera pas les archéologues de trouver, dans les dépotoirs de ce siècle, des coquilles témoignant de la popularité persistante de ce fruit de mer sur les tables québécoises.
► Extrait du livre Fragments d’humanité de la collection Archéologie du Québec Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal, Éditions de l’Homme, ministère de la Culture et des Communications
