Nos policiers en détresse: plus difficile que jamais d’être policier
De nombreuses demandes d’accès à l’information nous permettent de dresser le portrait de l’état psychologique précaire des policiers

Frédérique Giguère
Dans le cadre d’une série de reportages sur la santé mentale des policiers, Le Journal s’est entretenu avec des dizaines d’experts et d’agents en plus d’éplucher plusieurs dizaines de documents, dont une quarantaine de demandes d’accès à l’information. Un constat émerge: il n’a jamais été aussi difficile d’être policier.
À l’ère où les policiers sont confrontés plus que jamais à des cas de santé mentale, ils vivent eux-mêmes énormément de détresse psychologique. À preuve, les démissions atteignent des sommets, les demandes d’aide explosent et les arrêts de travail ont décuplé.
Ces dernières semaines, Le Journal s’est entretenu avec des dizaines de policiers et d’experts en la matière et un constat s’impose: nos policiers sont maganés.
La majorité des intervenants interrogés s’entendent pour dire qu’il n’a jamais été aussi difficile d’être policier.
«Il faut être très courageux pour faire ce métier de nos jours, dit le chercheur Steve Geoffrion, codirecteur du centre d’étude sur le trauma. Les policiers ne sont pas soutenus du tout par le public.»
Les demandes d’aide psychologique sont en hausse dans la majorité des corps policiers, montrent des données obtenues à la suite d’une quarantaine de demandes d’accès à l’information.
- Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin via QUB :
Misère humaine et agressions
Les aspirants policiers «sous-estiment à quel point ils seront confrontés à la misère humaine. Ils vont se chicaner et se faire insulter la plupart du temps», explique Rémi Boivin, professeur agrégé en criminologie.
Les agressions envers les policiers et les plaintes du public sont également en augmentation.
«Ils vivent énormément de stress et ils craignent pour leur santé physique presque chaque fois qu’ils entrent au travail», ajoute M. Geoffrion.
Les policiers sont tellement anxieux que des chercheurs mesurent désormais leur taux de stress dans leurs cheveux.
Pour rajouter au cocktail des difficultés inhérentes à ce métier, les troubles du sommeil sont bien présents, au point où certains commerçants offrent même des rabais sur les matelas.
C’est un travail qui «demande d’être vigilant constamment, de toujours être en état d’alerte et de toujours être prêt à réagir», souligne la Dr Maude Bouchard, spécialisée dans les troubles du sommeil.
Heureusement, plus que jamais, des ressources sont mises à la disposition des premiers répondants et les tabous disparaissent peu à peu.
«La santé mentale est moins stigmatisée qu’elle l’était, dit M. Geoffrion. Les nouvelles générations de policiers entendent parler de ça depuis qu’ils sont petits.»
En matière de santé mentale, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a été un pionnier au Québec. En 1998, alors qu’il venait de connaître une vague de suicides ahurissante, un programme d’aide innovant a été mis en place. En plus de faire des petits dans la province, leur modèle a été une inspiration à l’extérieur du Québec et dans d’autres pays et est reconnu par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les techniques ont aussi fait peau neuve, alors qu’on offre maintenant des thérapies de méditation, de pleine conscience et d’art aux policiers.
La prise en charge
Mais au final, le nerf de la guerre, c’est une prise en charge rapide et efficace. Et celle-ci n’a pas à être complexe. Parfois, il suffit pour un policier de sentir que ce qu’il ressent est normal, que ses collègues sont là pour lui et qu'il peut obtenir de l’aide au besoin pour éviter de sombrer dans le gouffre d’un choc post-traumatique.
«C’est vraiment plus accepté que ce l’était et les corps de police veulent embarquer et se doter d’outils, explique Andrée-Ann Deschênes, cotitulaire de la Chaire de recherche sur la prévention en santé psychologique en sécurité publique. En fait, ça cogne aux portes, tout le monde veut avancer dans le même sens.»
DES INDICATEURS ALARMANTS
Plusieurs données démontrent l’ampleur du problème
Sources : Service de police de la Ville de Montréal, Service de police de Laval, Sûreté du Québec, Service de police de la Ville de Québec, Service de police de l’agglomération de Longueuil, Service de police de Gatineau, Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent
Sources : Service de police de la Ville de Montréal, Service de police de Laval, Sûreté du Québec, Service de police de la Ville de Québec, Service de police de l’agglomération de Longueuil, Service de police de Gatineau, Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent
Sources : Service de police de la Ville de Montréal, Service de police de Laval, Sûreté du Québec, Service de police de la Ville de Québec, Service de police de l’agglomération de Longueuil, Service de police de Gatineau, Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent
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