«Nordiques c. Whalers»: une démarche légitime à laquelle je ne cotiserai pas

La Ligue nationale de hockey est bien de son temps. Le circuit Bettman semble sur la voie de réussir un de ses grands objectifs: renouveler sa clientèle, donc la rajeunir. Cela n'empêche pas certaines franchises d'user de nostalgie pour aguicher leurs partisans.  

Le Canadien est l'exemple parfait du mélange redoutablement efficace entre le présent et le passé. L'image de marque choisie par la haute direction cette saison en est une preuve flagrante. L'appellation «Les Canadiens de Montréal» en lettres attachées de type vieille école plaît aux jeunes autant qu'elle évoque aux plus vieux le doux souvenir d'époques plus glorieuses. Ce rappel au passé témoigne de l'intention présente: redevenir une équipe dominante. C'est réussi et je salue la justesse de l'équipe marketing du Tricolore, en symbiose avec l'intention du département hockey.

Ailleurs dans le circuit, on appelle au passé pour faire la promotion d'un match entre deux formations qui n'ont plus rien à voir l'une avec l'autre. Les Hurricanes de la Caroline seront au Colorado pour y affronter l'Avalanche demain. Un match tout ce qu'il y a de plus banal en principe. Un duel que l'on vend toutefois comme un classique d'antan. 

L'Avalanche y portera alors l'uniforme complet des Nordiques, tandis que les «Canes» feront de même avec celui des Whalers de Hartford. Autrement dit, on veut nous ramener à un bon vieux classique de la division Adams alors que le bleu singulier des Nordiques se mesurait au vert caractéristique des Whalers. Même Joe Sakic a été mis à contribution alors qu'un vlog le montre marchant vers la glace en suggérant à sa mémoire les grands moments de sa carrière remontant à ses débuts à Québec. C'est tellement beau et bien fait que c'est difficile de ne pas m'immerger d'un bonheur complet.

Dans les faits, je préfère me garder une petite gêne. Ma pensée va aux gens de Québec mais aussi de Hartford. Des partisans de hockey en or qui adoraient leur équipe. Ne trouvent-ils pas déplorable que les géants d'aujourd'hui utilisent leur image de marque du passé afin d'essentiellement faire plus d'argent? 

À titre d'ancien partisan fini des Nordiques, je me désole devant ce retour aux sources qui me rappelle ce que j'ai perdu. L'Avalanche va se déguiser en Nordiques à six autres reprises cette saison, dont le 29 novembre à l'occasion de la visite du... Canadien. Je ne vais pas vous dire que je vais boycotter les matchs en bleu Québec du Colorado. Ce serait mentir. 

Il faudrait être naïf de croire que ces appels au passé ne sont que des clins d'œil pour les partisans, les observateurs et les diffuseurs qui en feront leurs choux gras. Le vrai objectif est purement mercantile: vendre de la marchandise, principalement des chandails. Rien de scandaleux au contraire. 

Une démarche légitime de franchises qui savent se jouer du passé pour augmenter les revenus du présent. Ce à quoi je ne cotiserai toutefois pas. Un droit légitime que je m'accorde à titre d'ancien partisan en règle des Nordiques. 

Je vais cependant regarder les matchs en me rappelant combien j'aimais cette équipe. Certains diront que je parle des deux bords de la bouche puisque j'adore les matchs pré-saison disputés au Centre Vidéotron de Québec. Je leur répondrai qu'il ne s'agit pas du tout de la même affaire. 

Je considère ne pas avoir à me priver du plaisir de voir sur place les meilleurs au monde s'affronter dans un amphithéâtre nec plus ultra et devant une salle comble de vrais connaisseurs de hockey. Comme j'ai plein droit d'assouvir ma nostalgie et ma curiosité en regardant depuis mon salon feu les Nordiques affronter feu les Whalers de Hartford. 

Mais comme il y a toujours une ligne à ne pas franchir, une limite avant que l'insulte ne se joigne à l'injure, ne comptez pas sur moi pour essuyer mes larmes dans le chandail bleu numéro 29 de Nathan MacKinnon.