Nomination des juges: Ottawa ouvrira les discussions avec Québec en septembre
Le gouvernement Carney se dit prêt à écouter de bonne foi, mais ne promet pas une conclusion précise

Raphaël Pirro
OTTAWA | Contraint par une décision post-référendaire de la Cour suprême, Ottawa ouvrira des discussions «de bonne foi» avec le Québec sur le transfert de pouvoir dans la nomination des juges après avoir fermé la porte plus tôt cette année.
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Après une première rencontre à Ottawa en juin, le ministre fédéral de la Justice, Sean Fraser, doit convier son homologue québécois, Simon Jolin-Barrette, à une deuxième rencontre de travail pour ouvrir ce chantier à la mi-septembre.
«Nous ne partons pas avec une position arrêtée. C’est-à-dire que nous sommes disposés à écouter et à discuter de façon constructive», a déclaré Jeremy Bellefeuille, directeur des communications du ministre Fraser.

Une motion, un renvoi
En campagne électorale, le premier ministre Mark Carney avait balayé la demande du revers de la main à deux reprises.
Aujourd’hui, Ottawa admet qu’il n’a pas le choix de s’asseoir à la table après l’adoption, au printemps dernier, d’une motion unanime de l’Assemblée nationale réclamant plus de pouvoirs dans la sélection des juges de la Cour d’appel et de la Cour supérieure.
En effet, le Renvoi relatif à la sécession du Québec, rendu en 1998 par la Cour suprême, oblige le Canada à négocier «de bonne foi» avec une province si celle-ci réclame démocratiquement un changement à la Constitution, comme c’est le cas pour réformer le processus de nomination des juges.
Il s’agirait du premier précédent où cette obligation liée au Renvoi s’applique dans le cas du Québec depuis l’instauration de celui-là, selon nos informations.
«Quand il y a un désir de changement constitutionnel qui est exprimé par une demande formelle d’amender la Constitution par une province, il y a une obligation correspondante juridique de l’autre partie d’écouter», a expliqué une source chez Justice Canada.
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Pas d’obligation de résultat
De prime abord, cette nouvelle pourrait être interprétée comme une première victoire par Québec. Or, comme on l’indique au fédéral, l’obligation de négocier n’est pas une «obligation de résultat».
«On est de bonne foi, on est ouvert, on s’écoute, mais on n’est pas obligé de conclure un accord. Il n’y a pas d’obligation de faire une contre-offre, pas d’obligation d’accepter», explique notre source.
Il suffit d’écouter et de considérer «sérieusement» le point de vue du Québec pour respecter la loi.
«Si le Canada faisait juste ignorer l’Assemblée nationale du Québec, ce serait comme une violation de son obligation d’avoir une ouverture constitutionnelle.»
Lors d’une entrevue avec Le Journal en juin, le ministre Jolin-Barrette expliquait que la nomination des juges était une demande «historique» du Québec qui date d’une soixantaine d’années.
«On est un des seuls États fédérés à ne pas participer au processus de sélection», a dit le ministre québécois dans une entrevue avec Le Journal, en juin dernier.
Il s’agit d’une des mesures incluses dans le projet de Constitution du gouvernement caquiste.
De nombreux juges choisis par le gouvernement de Justin Trudeau avaient déjà donné ou s’étaient déjà impliqués au sein du Parti libéral du Canada et/ou du Parti libéral du Québec, rapportait Le Journal en janvier.
Pourquoi Québec veut plus de pouvoirs
Les juges de la Cour supérieure et de la Cour d’appel du Québec sont nommés par Ottawa. Le ministre fédéral de la Justice choisit parmi des listes préparées par deux comités, Québec-Est et Québec-Ouest, formés de sept membres chacun. Le gouvernement du Québec ne nomme qu’un membre par comité, et Ottawa conserve un droit de veto sur cette recommandation.
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