Télétravail de rêve: les «nomades numériques»... comme les snowbirds

Gabriel Côté
Plusieurs Québécois profitent de la souplesse du télétravail pour bosser autrement. Ils installent leur bureau ailleurs dans le monde, dans un lieu qui concilie productivité et qualité de vie. Le Journal vous propose une incursion dans le quotidien de ces travailleurs qui ont troqué les tours de bureaux contre la liberté géographique.
La possibilité de faire du télétravail à partir de l’étranger a modifié considérablement nos façons de voyager, constate l’écrivain Cédric Gras, qui documente ses pérégrinations à travers le monde depuis plusieurs années dans des livres et des documentaires.
«C’est du voyage à moitié», souffle l’écrivain voyageur en entrevue avec Le Journal. «D’abord, parce qu’on n’y consacre pas tout son temps, et ensuite parce qu’on est en permanence relié à chez soi. C’est une manière d’être ailleurs, tout en étant chez soi.»
Passionné d’aventure, M. Gras ne cache pas sa mélancolie des grands voyages, qu’il estime devenus presque impossibles aujourd’hui, à moins «d’aller en hauteur», dans les montagnes, là où les télécommunications sont plus difficiles.

«Qu’on travaille ou qu’on ne travaille pas, il n’y a plus beaucoup d’engagement mental dans le voyage. On ne part jamais vraiment, car on n’est jamais vraiment coupé des siens. À l’époque, quand on partait, on avait l’assurance d’être véritablement absent», songe-t-il.
Géographie du télétravail
On comprend aisément comment le «nomadisme numérique», qui consiste à travailler à distance à partir d’un pays étranger, participe à cette transformation du voyage.
De fait, ce phénomène prend de l’ampleur. Selon les statistiques de la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM, près d’un Québécois sur cinq en télétravail a travaillé à partir d’un pays étranger dans la dernière année. Cette proportion était de 10% en 2023.
«Il y aurait une géographie du télétravail à faire», propose l’écrivain, avant de marquer une pause, puis de reprendre: «Les nomades numériques ne penseraient jamais aller en Norvège pendant l’hiver.»
«Fascination de l’Occident»
Pour le géographe de formation, ce phénomène est également symptomatique de la «fascination de l’Occident pour les peuples nomades».
«Ces peuples font les beaux jours des catalogues des agences de voyages, mais ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne sont pas eux-mêmes des nomades», rappelle-t-il, en donnant l’exemple des Mongols, qui se déplacent pour nourrir leurs troupeaux.
«Ça s’appelle une transhumance, et c’est ce qu’on fait tous, ou presque. Les classes moyennes occidentales font ça l’été. Tout le monde part en vacances, en villégiature, selon ses moyens et ses envies», poursuit M. Gras.
«J’ai étudié un an au Québec, et j’étais fasciné par tous ces gens qui partaient l’hiver au soleil, en République dominicaine, au Mexique...» ajoute-t-il.
«C’est semblable à ce que font les “nomades numériques”. Ils ne se déplacent pas tous les jours et ils suivent les saisons», conclut-il.