Netflix: terminé le petit cadeau qu'on fait à ses enfants

Guy Fournier
À compter d’aujourd’hui, gardez secret le mot de passe de Netflix, sinon, il vous en coûtera.
Toutes proportions gardées, le Canada est sans doute le pays où Netflix compte le plus grand pourcentage d’abonnés. Pour nous récompenser de notre enthousiasme à nous abonner, le géant du streaming vient de nous inclure avec la Nouvelle-Zélande, l’Espagne et le Portugal parmi les premiers pays où nous ne pourrons plus partager gratuitement notre mot de passe. Terminé le petit cadeau qu’on fait à ses enfants, à belle-maman ou à un chum en lui refilant notre mot de passe de Netflix.
Soyons compréhensifs, ce pauvre Netflix n’a que 230 millions d’abonnés dans le monde. L’an dernier, il a généré seulement 31,6 milliards $ US (42,5 milliards canadiens) de revenus pour des profits d’à peine 4,5 milliards $ US (6 milliards canadiens). Une vraie misère ! Ces profits représentent exactement le budget total de la ville de Montréal pour 2023 ! Quant aux revenus annuels totaux de Netflix, ils représentent 20 fois les revenus annuels de Radio-Canada, de TVA et de Noovo réunis.
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À Hollywood, on est loin de croire que Reed Hastings, le fondateur de Netflix, vient de faire un bon coup. Le tiers des spécialistes qu’a sondés le magazine Variety sont d’avis que la nouvelle directive de Netflix ne changera rien, un autre tiers sont même d’avis qu’elle aura un effet négatif. Seulement 12 % croient qu’elle permettra à Netlix d’augmenter le nombre de ses abonnés.
J’avoue avoir refilé le mot de passe de Netflix à mon beau-fils, il y a quelques années. Il l’a utilisé une douzaine de fois. Je le sais parce que je reçois une alerte chaque fois qu’il le fait. Je crois qu’il a syntonisé Netflix plus souvent que moi. C’est que le répertoire de Netflix ne m’enchante pas. Je trouve même insultant que mes amis qui vivent en France aient pour le même prix que je paie un répertoire de films infiniment plus riche et plus varié que celui auquel j’ai accès. En matière de cinéma français, les francophones du Québec et du Canada demeurent, et de loin, les parents pauvres de Netflix.
Non seulement Netflix a traité les francophones du pays comme une quantité négligeable et les anglophones du Canada comme s’ils étaient de simples Américains, mais plus encore que tous les autres géants du net, il a mis à mal nos réseaux de télévision et transformé une partie de notre industrie audiovisuelle en industrie de service.
DANGEREUX DÉSÉQUILIBRE
Quelques centaines de techniciens et d’artisans ont trouvé des emplois rémunérateurs dans les centres de production que les géants américains ont implantés au pays, particulièrement à Toronto et à Vancouver, mais le déséquilibre qu’ils ont créé dans l’industrie a fragilisé les producteurs canadiens en augmentant leurs coûts de production alors qu’ils diminuaient le pouvoir d’achat de nos chaînes de télévision.
La situation perdurera jusqu’à ce que Netflix et compagnie contribuent leur juste part pour la production d’émissions originales canadienne. En attendant, pourquoi n’y penserions-nous pas à deux fois avant de prolonger nos abonnements à ces ogres ?