Natasha Kanapé Fontaine s'est lancée à la recherche d'histoires traditionnelles innues
L'écrivaine, poète et comédienne publie un nouveau recueil de nouvelles, «Kanatuut la chasseresse», aux Éditions Stanké.

Marie-France Bornais
Inspirée par des contes et légendes traditionnels innus, l’écrivaine, poète, actrice et artiste multidisciplinaire – et multitalentueuse – Natasha Kanapé Fontaine s’est laissé porter par leur immense pouvoir d’évocation et leurs riches enseignements pour écrire un recueil de nouvelles, Kanatuut la chasseresse. Elle s’est faite chasseuse... d’histoires pour les retransmettre à sa façon, avec une grande poésie et une touche de magie.
Le monde que décrit Natasha Kanapé Fontaine navigue à la frontière du réel et de l’imaginaire, entre des descriptions très contemporaines et du réalisme magique. Des créatures fantastiques ou réelles sorties de la tradition orale s’immiscent dans le monde réel, s’invitent dans les conversations, surgissent dans le quotidien. Invitent à comprendre... et à se souvenir.

Énorme travail de recherche
Un fabuleux travail de création... mais aussi un énorme travail de recherche de la part de l’écrivaine, qui a passé des centaines d’heures à chercher et recueillir l’information nécessaire pour écrire ces nouvelles.
Kanatuut est un projet de cœur et Natasha Kanapé Fontaine a fait un travail essentiel, pour ne pas que les histoires fondatrices se perdent. «Ça m’a amenée dans cette réflexion sur notre rôle, comme artistes, comme écrivain», confie-t-elle en entrevue.
«Je me suis dit: je ne peux pas continuer si je ne passe pas par la recherche dans l’histoire traditionnelle. À un moment donné, j’ai découvert tout un monde. Je pense que j’étais prête, aussi. À un moment, j’ai senti qu’il fallait que je plonge. Et ça a donné Kanatuut.»
Elle avait déjà le projet d’écrire des nouvelles, et pensait écrire des nouvelles plus contemporaines. «À un moment, c’est devenu une évidence: il fallait que je travaille les histoires traditionnelles. Elles ont tellement de leçons. Ce ne sont pas nécessairement des morales, mais elles ont un regard sur le monde qui est tellement différent.»
Retrouver des histoires
Retrouver ces histoires et les rendre vivantes, les immortaliser par l’écriture, était porteur de sens pour Natasha. «Si on retourne à ça, on va retrouver ces parties de nous qu’on a perdues... ou dont on a voulu nous déposséder à travers l’histoire des pensionnats, à travers l’histoire. Vu que je suis écrivaine, c’est mon rôle de tenter de faire quelque chose.»
Dans sa démarche de chasseuse d’histoires, elle a beaucoup lu, fait des recherches sur le web, regardé des vidéos sur YouTube, questionné ses amis.
«Je me suis tournée vers mes amis qui, eux-mêmes, sont les héritiers directs d’aînés qui leur ont donné ces histoires-là», ajoute-t-elle. «Les aînés m’ont apporté certaines histoires, mais des fois... je manquais de réponses. Je me disais: est-ce qu’on a perdu certains savoirs, au point où même les aînés ne peuvent pas répondre à nos questions?»
Des souvenirs de chasse
Natasha Kanapé Fontaine ajoute qu’une des histoires est inspirée d’un souvenir de chasse de son père, qui partait des mois à la chasse avec son père et ses frères.
«Parfois, j’avais aussi des intuitions. Je me mettais à rêver... et mes rêves venaient compléter certaines choses. Je savais que j’étais sur la bonne piste. Je me suis sentie guidée. On me répondait, par mes rêves. J’ai aimé sentir ce basculement.»
«Mon but précis, c’est de faire ressentir aux jeunes innus ce que c’est quand on connaît nos histoires. Je ne donne pas ces récits dans leur forme complète ou originale. Mais est-ce que les jeunes innus vont s’intéresser à leurs récits traditionnels parce qu’ils ont vécu quelque chose, à travers une nouvelle?»
Kanatuut la chasseresse
Natasha Kanapé Fontaine
Éditions Stanké
120 pages
▶ En librairie le 1er novembre.
- Natasha Kanapé Fontaine est une poète, autrice, actrice et artiste interdisciplinaire.
- Elle est originaire de la communauté innue de Pessamit, sur la Côte-Nord.
- En 2021, elle a publié un premier roman, Nauetakuan, un silence pour un bruit (XYZ).
- Elle a aussi publié des nouvelles dans Les Disparus d’Ély – Mortels (Québec Amérique), Amun et Wapke (Stanké).
- Elle a récemment participé à la mise en scène de la pièce de théâtre On marronne? au Théâtre Cercle Molière de Winnipeg.
- Elle enseigne également un cours de littérature et oralité autochtone à l’École nationale de théâtre.
- Elle participera à la 12e édition du Salon du livre des Premières nations qui aura lieu à Québec du 16 au 19 novembre (kwahiatonhk.com).
«Moi, je rejoins mes bons vieux amis chez l’une
d’entre nous, à deux rues d’ici. Je traverse un terrain
vague fait de sable où, il y a longtemps, on a déjà eu
un parc de jeux pour enfants. Il ne reste que les bouts
de ciment qui ont servi de socles pour les pattes des
glissoires et des toiles d’araignée métalliques géantes.
Entre chien et loup, le ciel est d’un bleu qui s’endurcit,
et bientôt il fait sombre, avec un peu d’orangé à l’horizon.
C’est l’été. Un énième été à Pessamit.»
– Natasha Kanapé Fontaine, Kanatuut la chasseresse, Éditions Stanké
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