Mourir en couvrant la guerre

Sophie Durocher
Hier, un caméraman de Fox News, Pierre Zakrzewski, a été tué en Ukraine. Il était accompagné d’une journaliste ukrainienne de 24 ans, Oleksandra Kuvshinova, qui est aussi décédée. Depuis le début de la guerre en Ukraine, trente journalistes ont été blessés, cinq ont été tués.
Ce n’est pas parce qu’ils sont journalistes que leur mort est grave. Mais les journalistes sont nos yeux et nos oreilles. Et chaque fois que l’un d’eux meurt, on doit se rappeler le courage dont ils ont fait preuve en risquant leur vie pour témoigner de la guerre.
- Écoutez l'édito de Sophie Durocher diffusé chaque jour en direct 7 h 50 via QUB radio :
COURIR VERS LA GUERRE
Bien sûr, cinq journalistes morts, ce n’est rien comparativement au nombre de civils innocents lâchement assassinés. Ce n’est rien comparativement au nombre d’enfants tués, blessés, traumatisés. Mais pour qu’on sache justement ce que subit le peuple ukrainien, il faut des hommes et des femmes courageux qui témoignent en se rendant là, au péril de leur vie.
Si je veux aujourd’hui rendre hommage aux journalistes (et autres professionnels de l’information) en temps de guerre, c’est pour qu’on n’oublie pas tout ce qu’on leur doit.
Comme journaliste, j’ai mal à ma profession quand un collègue meurt à l’autre bout du monde. Chaque fois que vous voyez des images des bombardements en Ukraine, pensez à celui qui a risqué sa vie pour tenir la caméra ou le micro. Chaque fois que vous lisez un compte-rendu des combats, des évacuations de civils, n’oubliez pas que c’est un reporter sur place qui a posé des questions, fait des entrevues, fouillé une histoire pour que vous et moi comprenions mieux les enjeux.
On a tous vu cette photo bouleversante d’une femme enceinte évacuée sur une civière de fortune après la destruction d’un hôpital pour enfants en Ukraine. Cette femme est d’ailleurs décédée lundi. Mais pour que le monde entier sache les horreurs de ce bombardement, il a fallu que des photographes risquent leur vie.
Dimanche dernier, c’était l’Américain Brent Renaud qui était tué par balle dans la banlieue nord-ouest de Kyïv. Le président ukrainien Zelensky a écrit à sa famille pour lui offrir ses condoléances. « Avec tout son courage et sa détermination, il s’est rendu dans les zones de guerre les plus dangereuses pour filmer une cruauté et une perversité sans précédent. ». Et le président Zelensky a souligné à quel point il est important que des journalistes comme Brent Renaud « témoignent » pour le reste du monde.
- Écoutez la rencontre Barrette et Durocher diffusée chaque jour en direct 18 h via QUB radio :
SYMPATHIE POUR LE DIABLE
Quand on lit dans un journal, qu’on écoute à la radio ou qu’on regarde à la télé le récit d’un reporter de guerre, on ne mesure pas l’ampleur du danger auquel ces gens-là font face.
Un être humain lambda qui voit des tanks avancer, des missiles tomber, réagit en fuyant ou en se cachant. Quand un reporter de guerre voit le danger, il réagit... en accourant. Il ne s’éloigne pas des bombes, il s’en approche.
Il faut être un peu fou, un peu inconscient, un peu kamikaze pour se spécialiser dans les reportages en zone de guerre. Je pense par exemple à Paul Marchand, cigare au bec, qui circulait dans les rues de Sarajevo, en pleine guerre, au volant d’une auto sur laquelle il avait écrit, pour que les snipers le voient : « Ne tirez pas. Je suis immortel. »
Mais ni Paul ni les autres ne sont immortels.
- Encore plus de Sophie Durocher, écoutez son émission en balado diffusée chaque jour en direct 17 h 30 via QUB radio :