Décès d’un bambin en Beauce: la coroner dénonce une mauvaise prise en charge par l’Hôpital
Des lacunes de communication et une prise en charge tardive ont eu une incidence importante sur le décès d’un bambin de 22 mois

Jérémy Bernier et Catherine Bouchard
Des lacunes dans les communications entre un GMF et l’Hôpital de Saint-Georges ainsi qu’une prise en charge tardive à l’urgence du centre hospitalier ont contribué de façon importante au décès d’un bambin de 22 mois le 29 janvier 2024.
La coroner Nancy Gilbert critique les soins prodigués au petit Noah-James Veilleux dans son rapport étoffé rendu public mercredi.
Noah-James a reçu le diagnostic de l’influenza le 25 janvier 2024 au GMF Clinique familiale St-Georges Beauce. Alors que l’état du petit empirait, sa mère est retournée consulter au même GMF le 29 janvier.
«Vers 18h40, sa mère le dépose au sol dans [l’établissement], mais il est tout mou et est incapable de se tenir debout. Elle constate que ses yeux regardent vers le haut, sans se révulser complètement», relate la coroner Gilbert.
Une quinzaine de minutes plus tard, la médecin du GMF constate «l’atteinte de l’état général», des signes de détresse respiratoire et de déshydratation. C’est à ce moment qu’elle adresse le bambin à l’urgence de l’Hôpital de Saint-Georges, précisant qu’elle avisera le médecin de l’urgence de son arrivée.
Mais à son arrivée au centre hospitalier, Noah-James n’est pas attendu et est envoyé en salle d’attente pour l’évaluation au triage. Il est finalement vu une trentaine de minutes plus tard... quand sa mère constate qu’il ne respire plus.

Communications déficientes
Le petit est alors amené de toute urgence en salle de réanimation, mais en vain. Le décès de l’enfant a été constaté.
Noah-James est décédé d’une bronchopneumonie aiguë, dans le cadre d’une infection à Haemophilus influenzae et d’un syndrome de Barth, une maladie génétique rare.
Me Gilbert estime que «plusieurs facteurs, dont les communications déficientes, ainsi que l’absence d’évaluation et de prise en charge rapide à l’urgence, peuvent avoir eu une incidence importante sur le décès du petit».
Elle s’explique mal également pourquoi le médecin du GMF a demandé à la mère de l’enfant de se rendre à l’hôpital en voiture, alors qu’un transport par ambulance aurait permis une meilleure prise en charge. Elle constate également que le médecin de l’urgence a été contacté par le GMF 15 minutes avant l’arrivée du patient, mais que ses notes ne se sont jamais rendues au triage.
«Lorsque la mère du petit retourne à l’accueil de l’urgence, comment se fait-il qu’il ne soit pas évalué sur-le-champ alors que cela fait près de neuf minutes que la feuille du GMF est dans le télécopieur de l’urgence?» se questionne la coroner.

Puisque des mesures correctrices ont été mises en place par le CISSS-CA, Me Gilbert n’a pas émis de recommandation dans son rapport.
Toutefois, elle suggère au Collège des médecins du Québec d’effectuer une révision de la qualité de la prise en charge et du suivi médical du petit Noah-James le jour de son décès.
Des manquements injustifiables et inacceptables, estime un avocat
Les manquements et lacunes soulevés par la coroner dans les heures qui ont précédé le décès du bambin sont inexplicables et injustifiables, estime un avocat spécialisé en responsabilité civile médicale.
Me Nancy Gilbert soulève dans son rapport qu’une meilleure prise en charge du patient aurait pu lui sauver la vie et estime indéniable que les lacunes de communication ont eu un effet domino qui a mené à son décès.
«La coroner relève clairement un manquement au niveau du continuum de soins qu’a reçu l’enfant», observe Me Patrick Martin-Ménard, spécialisé en responsabilité civile médicale.
Selon l’avocat, avec l’état dans lequel l’enfant se trouvait et l’ensemble du tableau clinique que le personnel avait, les manquements relevés dans le rapport «sont impensables», à commencer par l’absence d’évaluation à l’arrivée à l’hôpital.
«Il n’y a même pas eu de triage après 30 minutes, lance-t-il. [L’enfant] n’a même pas eu de cote de priorité qui lui a été attribuée».
Des comptes à rendre
Ces enjeux sont inconcevables pour une urgence comme celle de l’Hôpital de Saint-Georges.
«Santé Québec et l’établissement ont des comptes à rendre, à savoir ce qui a été fait et qu’est-ce qui sera fait pour remédier à cette situation, qui semble poser un risque de sécurité important pour les patients qui nécessitent une prise en charge et des soins urgents. C’est tout à fait inacceptable et inconcevable», termine Me Martin-Ménard.
Le Collège des médecins du Québec (CMQ), interpellé par la coroner, a indiqué au Journal que le rapport avait été transmis au Bureau du syndic, «qui lui donnera le suivi approprié».
Encore très éprouvés par le décès de leur fils, les parents de Noah-James n’ont pas souhaité commenter et ont indiqué ne pas avoir décidé s’ils entameraient des poursuites.
Par ailleurs, le CISSS de Chaudière-Appalaches a indiqué avoir apporté des mesures correctives pour éviter une autre tragédie, notamment celle de respecter la trajectoire établie de transfert d’informations entre les établissements et de s’assurer d’une communication efficace entre le personnel de l’urgence et la salle de triage.
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