Montréal et le reste du Québec: le fossé


Joseph Facal
Balarama Holness, ex-candidat à la mairie de Montréal, dit vouloir créer un parti dont la fonction serait de « représenter les Montréalais à l’Assemblée nationale ».
En réalité, il veut courtiser strictement le vote anglophone et allophone de Montréal.
Je ne m’intéresse pas ici à ses chances de succès, mais à ce que l’intention derrière ce mouvement dit sur les relations entre Montréal et le reste du Québec.
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Deux univers
Pendant ce temps, le PLQ n’arrive plus à faire élire un candidat hors de la région métropolitaine, à l’exception de l’Outaouais.
Le PQ a été presque complètement éjecté de la région métropolitaine.
La CAQ n’a qu’un orteil sur l’île de Montréal.
Politiquement, c’est comme si la région métropolitaine était en train de se séparer du reste du Québec.
Ce fossé politique est aussi un fossé linguistique et culturel.
Sortez de Montréal, faites deux heures de route, et dites que le français est en danger.
On jugera votre propos bizarre, et c’est normal : le français est ultra-dominant hors de la région métropolitaine et on n’y réalise pas ce qui se passe à Montréal.
Parlez du débat sur les signes religieux : vous risquez de monologuer, car ce n’est pas un enjeu visible au quotidien.
Inversement, vous connaissez sûrement des personnes vivant loin de Montréal qui éprouvent un choc si elles n’y sont pas allées depuis longtemps et diront : je me suis senti comme dans un pays étranger.
Nombre de jeunes Montréalais n’ont jamais, de toute leur vie, voyagé dans le reste du Québec et seraient incapables de nommer une seule artiste francophone, hormis Céline Dion.
Pas besoin de trop gratter pour s’apercevoir que beaucoup considèrent le reste du Québec comme peuplé d’attardés xénophobes, voire racistes : un « Alabama du Nord », disait Amir Attaran.
La sophistication, l’« ouverture au monde », la diversité, la modernité, tout ce qui est cool est montréalais.
Le seul aspect de la « campagne » qui trouve grâce à leurs yeux, c’est la fin de semaine occasionnelle au chalet du papa d’un copain ou les attendrissantes romances rurales de L’Amour est dans le pré.
Dans tous les pays, il y a une distance culturelle entre les grandes villes et les régions.
Mais dans la plupart de ces pays, il y a plusieurs très grandes villes.
Je ne connais pas une autre nation développée où une seule ville occupe une place aussi dominante sur le plan démographique que Montréal, où une seule ville accueille plus de 80 % de l’immigration.
Danger
Rien ne me semble plus préoccupant pour notre nation que ce fossé croissant d’incompréhension et de désintérêt mutuel entre la région de Montréal et le reste du Québec.
De part et d’autre, beaucoup assument ce fossé : on se tourne le dos, on s’ignore et, souvent, on se déteste.
Qu’arrivera-t-il quand ce fossé deviendra infranchissable ?
Comment y remédier ?
Régionaliser une immigration mieux choisie et défendre vigoureusement le français à Montréal.
Plus facile à dire qu’à faire, certes, mais il n’y a aucune autre solution de rechange.