Montréal abolit sa tradition de la croix du mont Royal pourpre lors d’une mort de pape après l’avoir respectée par accident la nuit suivant le décès de François
Le souci de ne pas heurter la sensibilité des non-catholiques et des non-croyants explique la décision de la Ville


Louis-Philippe Messier
À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Par tradition, lorsqu’un pape meurt et jusqu’à l’élection de son successeur par le conclave, la croix du mont Royal qui surplombe la métropole depuis 1924 devient rouge pourpre... mais depuis mardi, c’est fini.
À la mort du pape François, j’ai joint la Ville en espérant trouver la personne responsable du traditionnel changement de couleur de la croix. Lundi soir, celle-ci prenait sa lugubre et impressionnante couleur de sang... comme c’était le cas lors de la mort de Jean Paul II et de ses prédécesseurs.

De nombreuses publications sur les réseaux sociaux en témoignent, la croix était mauve et ce spectacle fascinait les Montréalais qui le remarquaient.
Mais le lendemain soir, curieusement, la croix était redevenue blanche.

Décision non annoncée
Pourquoi cette blancheur retrouvée longtemps avant le nouveau pape?
«La Ville de Montréal suit la recommandation du Conseil du patrimoine de Montréal selon laquelle l’éclairage de la croix du Mont-Royal doit demeurer blanc en tout temps», m’explique par courriel Camille Bégin, relationniste des Affaires publiques et du Protocole.
«L’information du site web externe consacré au site patrimonial du Mont-Royal sera corrigée en conséquence», ajoute Mme Bégin... puisque ce dernier site mentionne toujours la tradition.
«La couleur des ampoules change lors d’événements spéciaux, peut-on y lire. De blanche, elle passe au violet pour souligner la mort d’un pape ou d’un roi.»
Peu de gens semblaient au courant de cette décision de la Ville d’abolir sa propre tradition.
«Quelqu’un a naturellement respecté la tradition de Montréal lundi soir en empourprant la croix avant de se faire dire par la Ville qu’on ne fait plus ça?» se demande Julie Bélanger, une passionnée de l’héritage patrimonial de Montréal, qui a notamment organisé les populaires visites guidées de l’Expo et de Habitat 67.
Occasion ratée
«C’est dommage parce que c’était la première fois qu’avec les réseaux sociaux et la qualité des photos prises par téléphone, la croix mauve allait faire le tour du monde et faire de la publicité pour Montréal», renchérit celle qui se dit triste et fâchée de cet abandon d’une tradition centenaire.

«Ce n’est pas parce que la croix devient mauve une fois tous les vingt ans que je vais soudainement me convertir au catholicisme», déplore Mme Bélanger.
«C’est 100% la Ville qui décide et qui a le contrôle de l’éclairage de la croix», m’apprend Clara Bich Leto, la cheffe des communications des Amis de la Montagne.
«La croix du mont Royal appartient à tous les Montréalais et à tous les Québécois, et la Ville devrait consulter la population au lieu de la placer devant des faits accomplis», affirme Marie-Anne Alepin, la présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste qui a entièrement payé la croix il y a cent ans et qui en a fait cadeau à la Ville.
Précision
C’est en raison d’un bogue du système d’éclairage de la croix que celle-ci s’est empourprée une nuit à la mort du pape François, selon une explication fournie par la Ville à la suite de la publication de cette chronique.
«Récemment, la vétusté du système d'éclairage crée des variations de couleur involontaires, et la Ville étudie présentement des scénarios pour remplacer le système d'éclairage», m’a précisé Mme Bégin.