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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

Montée du discours masculiniste chez les ados: «C’est une préoccupation dans plusieurs écoles du Québec»

À Montréal, un élève sur trois soutient de tels propos, selon une récente étude

Photo fournie par Netflix
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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2025-04-02T04:00:00Z
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Alors que la série Adolescence connaît un succès planétaire en exposant les ravages des contenus toxiques en ligne, des experts et profs constatent que la montée des discours masculinistes chez les ados est «un phénomène bien réel» dans plusieurs écoles secondaires du Québec. À Montréal, un élève sur trois soutient de tels propos, selon une récente étude.

«C’est vrai qu’il se passe quelque chose. C’est une préoccupation dans plusieurs écoles du Québec», affirme la pédopsychiatre Cécile Rousseau, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en prévention de la radicalisation violente à l’Université McGill.

Cet automne, une journée de formation sur la polarisation sociale réunissant des intervenants provenant d’écoles secondaires de plusieurs régions a permis de constater que la montée du discours masculiniste est l’un des phénomènes qui préoccupent le plus le réseau scolaire.

«On s’est rendu compte que c’est quelque chose qui se passe dans toute la province» affirme Diana Miconi, professeure à l’Université de Montréal qui a aussi participé à cette rencontre.

Dans les écoles secondaires, des profs entendent des élèves affirmer que les femmes devraient «retourner à la cuisine» ou «se soumettre aux désirs des hommes», ont raconté au Journal des enseignants qui parlent d’une minorité «bruyante et décomplexée», sous le joug de l’influenceur Andrew Tate.

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• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Un élève sur trois

Une autre enquête réalisée par l’équipe de Mme Miconi l’an dernier montre par ailleurs que le tiers des ados (34%) soutiennent des propos masculinistes (voir encadré). Parmi eux, on retrouve une majorité de garçons, mais aussi une minorité de filles.

«C’est une proportion importante», laisse tomber la chercheuse.

Il est toutefois difficile de généraliser ces résultats à l’ensemble de la province puisque les données ont été amassées dans six écoles secondaires montréalaises, souligne Mme Miconi.

Les élèves de religion chrétienne et musulmane soutiennent davantage l’idéologie masculiniste que ceux qui ne s’identifient pas à une religion, peut-on aussi lire dans le rapport.

L’école, reflet de la société

De son côté, Cécile Rousseau rappelle que ce qui se passe dans les écoles est le reflet de la société où toutes les formes de polarisation sont aussi en augmentation, comme la xénophobie et l’homophobie.

Les inégalités sociales, engendrées par les crises économiques, constituent un terreau fertile pour la montée de ces discours alors que les réseaux sociaux agissent comme «facteur d’accélération», explique-t-elle.

Ce ne sont pas les ados qui ont changé au fil des ans, mais plutôt ce à quoi ils sont maintenant exposés, ajoute pour sa part David Ouellet, un enseignant au secondaire qui compte près d’une vingtaine d’années d’expérience.

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«Ils sont en quête d’identité, ils cherchent qui ils sont, mais il y a tellement de modèles de masculinité toxique, ils ne savent plus où aller chercher des modèles positifs», laisse-t-il tomber.

Dans la tête des ados

Voici quelques constats tirés d’une enquête réalisée dans six écoles secondaires montréalaises:

Propos masculinistes

34% des élèves sont en accord avec au moins un de ces deux énoncés:

  • «Les garçons devraient contrôler les personnes avec lesquelles leurs copines interagissent.»
  • «Les filles disent souvent “non”, uniquement parce qu’elles ne veulent pas que les hommes pensent qu’elles sont faciles.»
Glorification de la violence

29% des élèves sont accord avec au moins un de ces deux énoncés :

  • «Les armes telles que les fusils et les bombes sont cool.»
  • «J’aime regarder des vidéos de fusillades et bombes en ligne.»
Propos xénophobes

12% des élèves sont en accord avec au moins un de ces deux énoncés :

  • «Je détesterais voir plus d’enseignants et d’enfants immigrants au Québec.»
  • «Les étrangers ne devraient pas avoir le droit de vivre au Québec.»

Source : La polarisation sociale dans les écoles secondaires, enquête dirigée par Diane Miconi dont les résultats ont été publiés en octobre 2024, réalisée auprès de 1400 adolescents provenant de six écoles secondaires de Montréal.

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Comment discuter de la série Adolescence avec vos ados?

Voici quelques pistes pour entamer le dialogue sur les discours radicaux avec vos jeunes

Écouter plutôt que juger

«Même si ça peut parfois être très difficile à entendre, il faut écouter ce que le jeune a à dire sans monter sur ses grands chevaux», affirme la pédopsychiatre Cécile Rousseau. Faire sentir à l’adolescent qu’il peut s’exprimer sans être jugé permettra d’entamer le dialogue, alors qu’un ton moralisateur le fera fuir à tout coup.

Poser des questions

Il est aussi important de chercher à comprendre d’où viennent ses opinions et ce qui se cache derrière. «Dans ces discours radicaux et extrémistes, il y a des choses qui peuvent être légitimes et des choses qui ne sont pas vraies», affirme Mme Rousseau, qui invite les parents à s’intéresser régulièrement aux contenus que leurs jeunes consultent en ligne.

Proposer d’autres sources d’informations

Si le lien de confiance semble bien établi, vous pouvez proposer à votre ado d’autres sources d’informations ou lui soumettre d’autres opinions, pour l’amener à nuancer lui-même ses propos.

Réduire l’influence des réseaux sociaux

Afin de réduire l’influence du monde virtuel, vous pouvez l’encourager à faire davantage d’activités avec des amis ou la famille pour le reconnecter à la vraie vie. Il faut toutefois éviter d’être trop contrôlant, ce qui minerait la relation de confiance qu’il faut préserver.

Même si les parents craignent parfois de ne pas trouver les mots justes pour aborder ces enjeux, il vaut mieux en parler «avec maladresse et bienveillance» plutôt que de ne rien faire, affirme Rafaël Provost, directeur de l’organisme Ensemble pour le respect de la diversité, qui donne des ateliers dans les écoles secondaires sur ces enjeux.

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