Monsieur Legault, où s’en va le Québec?


Denise Bombardier
Monsieur le Premier Ministre,
Je suppose que vous commencez à vous habituer à ce que les journalistes parlent constamment de votre sortie éventuelle de la vie politique.
D’où vient leur impatience de vous voir partir à la retraite alors que vous venez d’être reporté au pouvoir avec 40 % d’appuis et que votre taux de popularité dans l’opinion publique atteignait plus de 60 % lors d’un sondage récent. Tous les premiers ministres des pays démocratiques vous envient cette reconnaissance.
Vous connaissiez les Québécois. Mais ils ont changé. On pourrait même dire qu’ils ont muté. Déstabilisés par la démographie qui annonce leur lente disparition et bousculés par les flux récents d’immigrants et de réfugiés. Ils se laissent influencer par les nouvelles vedettes des réseaux sociaux qui sont prêtes à dire n’importe quoi au bénéfice des plus offrants.
Le Québec, comme tant d’autres nations occidentales, est secoué par la déstabilisation mondiale et le redéploiement des grandes puissances.
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Incertitude
La société québécoise semble avoir perdu ses certitudes. Non, nous n’avons pas un système d’éducation cohérent et fonctionnel. Notre système de santé n’arrive pas à combler les béances causées par une bureaucratisation extrême, une rigidité syndicale et une déshumanisation aux conséquences néfastes sur les malades, le personnel soignant et la population en général.
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Que les Français s’anglicisent est regrettable, mais la France, dépositaire d’une culture millénaire, possède des assises intellectuelles et un sens de l’histoire qui la met encore – mais pour combien de temps ? – à l’abri d’une régression comme celle qui se vit au Québec.
Qu’on choisisse de faire de l’humour avec l’anglicisation de la langue des jeunes afin d’alerter les Québécois dans un publicitaire sur un faucon en voie de disparition en dit long sur notre confusion collective.
Monsieur le Premier Ministre, vous avez choisi le pragmatisme politique qui jusqu’à présent a guidé votre action avec succès. Les critiques sur votre façon de gouverner pendant la pandémie sont relatives, compte tenu du fait que nous en sommes sortis collectivement. Sauf en ce qui concerne la tragédie dans le CHSLD où des milliers d’aînés sont morts dans des conditions indignes d’une société dite civilisée.
Pragmatique?
Comment pourrez-vous demeurer fidèle au pragmatisme qui vous caractérise dans le contexte politique, social et culturel du Québec post-COVID ?
Par définition, une coalition exige pour survivre un consensus discipliné et un chef capable de maintenir l’alliance de voix disparates qu’il a pu nouer lors de sa création. Vous vous êtes montré à la hauteur de cet enjeu. Vous avez réussi à rassurer le Québec durant le confinement et une proportion importante d’électeurs vous a témoigné sa gratitude.
Or les années à venir s’annoncent plus imprévisibles politiquement. Et la réussite économique n’est pas un absolu. Vous êtes d’ores et déjà confronté à une gauche multiculturelle, qui entretient cependant une façade souverainiste dont personne n’est dupe et à une renaissance de la souveraineté portée par le PQ.
Votre tâche s’annonce désormais plus difficile et sans doute moins exaltante. Car les Québécois n’ont jamais assumé la part de risque qu’exige leur rêve, qui était le vôtre. Ils demeurent ambivalents. Quant aux jeunes, ils n’adhèrent qu’à ce qu’ils vivent au présent.
Autrement dit, le Québec est-il dans un cul-de-sac?