Mon premier Grand défi sera difficile à battre, j’en ai bien peur


Antoine Robitaille
Pour fuir les problèmes du monde, le vélo, surtout les longues sorties patientes, n’a pas son pareil.
C’est ce que je me suis dit dimanche, en terminant la dernière étape du Grand défi Pierre Lavoie, un événement sportif unique auquel je rêvais de participer depuis longtemps.
Il m’a fallu attendre la 17e édition avant d’avoir la chance de le relever. La deuxième où les cyclistes parcourant les 1000km en équipe habitent un village éphémère et dorment à cinq dans des tentes faites comme des jeux gonflables. Ce fut le cas pour nos quatre vaillantes équipes de Québecor.
Monde parallèle
Ainsi, au moment où Israël attaquait l’Iran, où Trump sommeillait devant «son» défilé militaire, où une sénatrice du Minnesota et son mari étaient assassinés, etc., nous avons roulé dans certains des plus beaux paysages urbains et ruraux de la région de Québec.
Plus de 550km en quatre jours dans mon cas. Parfois, les alertes sur ma montre ou les exclamations de ma capitaine, Julie Marcoux – athlète et cheffe d’antenne de TVA, toujours à l’affût de l’actualité entre deux étapes –, nous rappelaient les tourments de notre monde.

Mais au GDPL 2025, nous semblions, pendant quatre jours, habiter une sorte de planète parallèle où régnaient la convivialité, le sens de l’effort personnel et collectif, les «saines habitudes de vie» et l’entraide (les plus forts aidaient les moins entraînés dans les côtes), sans aucune compétition.
Une utopie pour cyclistes, où les policiers à moto vous escortent, ouvrent la voie, en bloquent temporairement d’autres aux véhicules et où un «QG» roulant, gros VR modifié équipé à l’arrière, face aux cyclistes, d’une plateforme où des animateurs règlent la vitesse du cortège, animent la foule à vélo, font jouer de la musique, mais surtout, veillent à leur sécurité en prévenant des risques à venir, dont les innombrables trous dans la chaussée.
Depuis 17 ans, Pierre Lavoie tient à ce que la guitare de The Edge et la voix geignarde de Bono, de U2, dans la chanson Where the Streets Have No Name, rythment le départ de chaque étape du Grand défi! À ma septième et dernière étape, j’ai imaginé mon ancien collègue chroniqueur retraité Michel Hébert lancer ironiquement: «Nous on préférerait entonner Where the Streets Have No Holes!»
Météo
Pierre Lavoie a déclaré au Journal de Québec qu’il s’agissait d’«une des plus belles éditions» du GDPL.
Quand la météo va, tout va, évidemment. Je ne serais pas surpris que Dieu, ou mère nature, ou le hasard climatique (choisissez votre croyance) aient fait partie des commanditaires. Du temps naturellement climatisé – jamais plus de 21 degrés – (froid la nuit, cependant!) presque toujours ensoleillé. Pas de pluie.
Tout un contraste avec ces éditions de flotte continue, lorsque le convoi de cyclistes et de VR franchissait, par étape, la route entre La Baie et Montréal. Sur le ton de «j’ai fait la guerre, moi, monsieur», un vieux de la vieille m’a rappelé qu’il a déjà dû prendre un relais la nuit, «dans le parc» [des Laurentides], fouetté par la grêle.
Boucleurs heureux
Rien de tout cela en juin 2025. Particulièrement le samedi, où quelque 5000 cyclistes de La Boucle s’ajoutèrent, pour une journée, aux 1100 inscrits au 1000km. Pendant environ 135km, cette horde de «boucleurs» à deux roues fut encouragée par nombre de petites familles souriantes brandissant des pancartes («Go PAPA»), d’écoliers généreux en applaudissements, de curieux en robe de chambre, etc. Chaque village de Beauce s’efforça d’être le plus accueillant possible. Au ravito de Saint-Bernard, on eut même droit à des bouchées de bacon à l’érable!
De quoi se rassurer sur l’avenir de l’humanité. Après un retour triomphal dans le Stade TELUS avec fumée et confettis, dimanche... retour à la réalité! On ne peut fuir éternellement les tourments du monde.